FACE à un quotidien de généraliste ressenti comme de plus en plus routinier et fait de paperasserie, le Dr Philippe Vassart, 54 ans, 27 ans d’installation, a l’impression de se ressourcer depuis qu’il pratique la médecine sur le site medecindirect, ouvert il y quelques mois « En répondant aux questions des internautes, cela m’oblige à me remettre en question et à me documenter. Avec le temps, on finit par avoir des patients qui nous ressemblent. Ici, c’est d’une grande variété. Les réponses sont signées et doivent être irréprochables. C’est très exigeant. Même si elle est tronquée, on ne fait que de la médecine. »
C’est d’une certaine façon pour parfaire sa formation que le Dr Hélène Pera, généraliste fraîchement installée dans l’Essonne, a répondu à l’annonce de medecindirect pour assurer une permanence une fois par semaine. « J’avais beaucoup de questions en consultation et je ne me sentais pas toujours à l’aise pour répondre. Je me suis dit que cela allait me permettre de structurer mes réponses en fonction des recommandations et des connaissances scientifiques. Pour la colique du nourrisson, je suis au top ! »
Consultant sur le Web, cela s’apprend
C’est encore la phase de lancement du service. Les huit médecins de permanence, tous généralistes, mais avec des spécificités différentes (sport, homéopathe, etc..) répondent en moyenne à trois ou quatre questions par jour. Les questions vont dans tous les sens : il y a les anxieux, il y a ceux – on les voit venir –, qui demandent un avis supplémentaire et ceux qui préparent leur consultation avant. Il est bien préférable que les gens aient un contact avec un médecin plutôt que de se perdre en recherche sur le Web. De plus, dans certains cas (20 à 25 %), cela va éviter une consultation.
Moyennant quoi, consultant sur le Web, cela s’apprend. Il faut savoir quand renvoyer au médecin traitant et quand proposer un panel de diagnostics possibles. « Il y a des patients dont on sent très bien qu’ils remettent en cause le diagnostic posé par leur médecin et n’ont pas osé le lui dire. Dans neuf cas sur dix, nous sommes amenés à confirmer le diagnostic », explique le Dr Pera. Ce retour permet de déceler ce que les gens n’ont pas compris lors d’une consultation. « On ne concurrence jamais le médecin traitant, on est complémentaire ». Leur activité en ligne apparaît à ces deux généralistes complémentaires de la pratique médicale « Je n’imaginerai pas de ne faire que ça, ça serait frustrant », dit le Dr Vassart. Et le Dr Pera renchérit : « Il faut aussi du relationnel, on se sert de l’expérience au cabinet pour répondre et inversement. »
Les deux médecins, enthousiastes, découvrent ce que le Dr Denise Cazivassilio, responsable des réponses médicales en ligne du site Docteur Clic (facturées 6,50 euros chaque), met en pratique depuis presque… vingt ans. Généraliste et médecin du sport, elle a en effet commencé… sur le Minitel avec Écran Santé. « J’ai toujours aimé donner des explications au patient. À l’époque, on avait même créé une association pour la réponse médicale en ligne. » Elle a toujours mené de front les deux activités. « Certaines réponses nécessitent des recherches, c’est comme si on faisait de la FMC. » Avec le recul et plusieurs milliers de réponses à son actif, elle observe que la nature des questions n’a pas fondamentalement changé. « Les patients sont plus informés et les demandes sont plus précises, mais il s’agit le plus souvent de remplir les vides laissés par la consultation. J’essaie de me mettre à la place du médecin traitant. Si je sens qu’il a oublié une piste, je suggère à son patient, de façon diplomatique, de retourner le voir. »
En attendant le téléconsultation, rendue légale par le décret Télémédecine, qui apparaît comme la prochaine étape (voir encadré), le conseil au patient sur le Web fait des émules. Elsiever Masson vient de lancer, en partenariat avec le groupement de pharmaciens Giropharm, magpatients.org, où « les médecins s’adressent aux patients » en s’appuyant sur la validation de deux médecins, le Dr Annie Dumonceau et le Dr Damien Mascret, tous deux anciens de la presse médicale mais aussi en exercice. Parmi les services proposés, on peut poser une question au Dr Mascret.
Faire passer l’information médicale
Pas de site santé sans médecin. Cette règle est respectée par tous les sites d’informations en quête de qualité. Le Dr Nicolas Evrard, rédacteur en chef de SantéAZ, s’efforce de garder le contact avec le terrain un jour par semaine et suit des EPU pour continuer à se former. Responsable de la ligne éditoriale du site santé d’aufeminin.com, n°1 des sites destinés aux femmes, l’ancien généraliste se sent investi d’une mission spécifique : apporter aux internautes des dossiers renfermant une information de proximité sur des sujets qui les touchent. Comme les otites à répétition chez l’enfant. Avec adresses, infos pratiques, témoignages, conseils et astuces, interview d’un spécialiste référent. Il y a aussi de plus en plus de vidéos. Des sujets traités en deux minutes sur le mode vrai ou faux. « Franchement, je m’amuse beaucoup parce qu’Internet offre différents moyens de faire passer l’information médicale : un chat avec un spécialiste, des questions réponses, une vidéo, un quizz. » Sa fierté : le site a été couronné pour un article sur le diabète.
C’est l’éditorial qui fait 90 % de notre trafic, rappelle-t-il. « Pour les forums, nous faisons de plus en plus confiance aux "aufeminiennes forumeuses" pour jouer le rôle de leaders et offrir l’écoute nécessaire. » Le médecin s’efface devant le vécu de la pathologie chronique. Lui-même répond aux questions que lui laissent les internautes sur son blog : « Ce sont souvent des personnes perdues, je renvoie sur nos dossiers et sur le médecin traitant. Notre rôle, c’est avant, après et même pendant la consultation, quand quelque chose n’a pas été compris. » Le Dr Évrard estime que les relations avec les confrères sont bonnes. Les forums ont cessé d’être diabolisés et le débat est arrivé à maturité. L’information du patient peut se faire en partie sur le Web sans supprimer le colloque singulier, ni le contact physique, qui reste primordial.
« Notre métier reste un art qui se sert de la science, souligne le Dr Jean-Philippe Rivière, directeur médical de Doctissimo, leader des sites Santé français (groupe Lagardère Active), notre métier, c’est l’examen clinique, l’écoute, l’empathie. » De la médecine, il estime en avoir fait lorsqu’il a contribué à lancer les forums de Doctissimo entre 2002 et 2004, parce qu’il fallait beaucoup d’empathie pour les modérer. Il se rappelle la création du forum anorexie en 2003, c’était un premier espace de parole pour des jeunes filles en souffrance. Aujourd’hui, avec un total de 150 000 nouveaux messages par jour, la centaine de modérateurs (communauty manager) et d’animateurs bénévoles assure la modération des forums en faisant aussi appel à l’autorégulation. Il faut surtout éliminer ceux qui veulent faire passer un message commercial ou une prescription.
Sur les forums, on observe des choses très touchantes. Ce sont des groupes d’entraide qui permettent de parler de tous les sujets difficiles à aborder, comme l’alcoolisme, la drogue, les maladies sexuelles, même « si ça s’est calmé sur la sexualité ». Ce sont aussi des espaces qui permettent de décompresser. Les gens s’y retrouvent, ils s’y sentent bien. Le directeur médical de Doctissimo veille à la qualité médicale des contenus (70 000 articles) et à leur réactualisation. Un comité éditorial est en projet. « Je suis devenu davantage journaliste et vulgarisateur », avoue l’ancien généraliste, en soulignant que c’est le regard du médecin qui permet l’empathie nécessaire à la communication vers le grand public.
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