VENGEUR, ce médecin de l’hôpital Trousseau a eu cette phrase début février : « L’AP-HP et Trousseau, ce sera une épine, une écharde avant les régionales. » Le ton est donné.
La colère gronde à l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). Elle est montée en deux temps. Il y a d’abord eu cette annonce, mi-janvier, de milliers de suppressions de postes dans les trois années à venir. Et puis ces fuites, ces rumeurs, autour de projets de restructuration. Le cas Trousseau a été érigé en emblème de la contestation. L’incompréhension, sur le terrain, est maximale. « On nous dit que rien n’est tranché, mais plein de bruits courent dans les couloirs », résume Daniel Dutheil (FO santé AP-HP). « Le dossier risque de pourrir jusqu’en juin [c’est en juin que le conseil d’administration de l’AP-HP se prononcera sur le plan stratégique du CHU, NDLR]. La direction de l’AP-HP et le gouvernement jouent la montre », estime le Dr Bernard Granger, porte-parole du mouvement de défense de l’hôpital public.
Unis dans la protestation, les médecins et les syndicats de personnel de l’AP-HP interpellent les candidats à l’élection régionale. Qui répondent présents, et défilent dans les couloirs des hôpitaux. La semaine dernière par exemple, deux hôpitaux de l’Essonne ont vu un camion du PS faire une halte sur le parking. « On a diffusé un tract aux candidats », raconte un syndicaliste. Début février, Jean-Paul Huchon était à Trousseau. Au sortir d’une rencontre avec les chefs de service, le président sortant (socialiste) du conseil régional a eu ce commentaire : « Je demande un moratoire sur les suppressions de postes à l’AP-HP, et le maintien de toute l’offre pédiatrique à Trousseau. Je vais défendre la construction d’un bâtiment neuf à Trousseau que la région pourrait cofinancer de manière exemplaire. »
Emmanuelle Cosse, numéro deux sur la liste des Verts à Paris, s’étonne que le PS s’étonne : « Jean-Marie Le Guen [député PS et président délégué du conseil d’administration de l’AP-HP, NDLR], pendant un an, n’a rien trouvé à redire », remarque-t-elle, acide. Elle aussi s’est rendue à l’hôpital Trousseau, avec Cécile Duflot, la tête de liste des Verts. « Les hospitaliers sont amers, raconte Emmanuelle Cosse. La question de la concertation revient dans tous leurs discours. On ne fait pas une réforme d’une telle ampleur en ayant uniquement en tête le déficit de l’AP-HP. Il y a déjà eu la tarification à l’activité, la loi Bachelot. C’est la goutte d’eau. » Récupération politique ? La candidate s’en défend.
Clientélisme.
D’autres candidats, en revanche, n’hésitent pas à parler de clientélisme. Ainsi de François Morvan, cancérologue, ancien conseiller santé de Jean-Pierre Chevènement, et numéro un sur la liste Debout pour la République dans les Hauts-de-Seine : « Beaucoup de politiques adhèrent à un discours syndical et mandarinal à courte vue. Ils ont tort de dire que l’AP-HP ne doit pas se restructurer. Il n’y a pas de raison que le service public soit déficitaire par nature. Les Franciliens doivent entendre ce discours. » Le Dr Morvan a la dent dure contre le premier de CHU de France : « Tant que l’AP-HP sera un État dans l’État, on plombera les budgets, et l’offre de soins sera inégalitaire en Ile-de-France. Les moyens sont concentrés à Paris, alors que la grande couronne a une densité médicale inférieure à la moyenne nationale. »
Cet ancien directeur d’hôpital francilien, soucieux de conserver son anonymat, s’amuse de la situation. « La polémique contribue à créer un climat défavorable pour la majorité. Le dossier des retraites a été renvoyé après les élections. Annoncer des suppressions de postes à l’AP-HP avant les régionales est plus qu’une maladresse. Le directeur général de l’AP-HP, sachant qu’il sera jugé sur l’équilibre de ses comptes, y va à la hussarde. C’est un bon soldat vu de Bercy, mais moins, sans doute, vu du ministère de la Santé ou du ministère de la Recherche ».
Roselyne Bachelot a tenté de calmer le jeu, en promettant le gel des suppressions de postes d’ici le mois de juin. « L’AP-HP doit se réorganiser. Mais l’objectif ne peut pas être des suppressions de postes », assène Valérie Pécresse, la tête de liste UMP en Ile-de-France. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche insiste sur l’ampleur des investissements à venir pour remotiver les troupes : « L’AP-HP sera largement bénéficiaire du grand emprunt et du plan Hôpital 2012 dans les prochains mois ». Et son avis sur Trousseau ? « La dimension universitaire n’a pas été prise en compte, regrette Valérie Pécresse. La suppression des surspécialités pédiatriques serait un handicap pour l’université Paris VI. Je n’y suis pas favorable. Je vais poser la question à la ministre de la Santé et au Premier ministre. Pour le moment, je n’ai pas de réponse. »
Déterminés à contrer le projet à l’étude, des médecins et des personnels de Trousseau ont été reçus hier à la mairie de Paris. Une pétition circule sur Internet. Les médecins de l’AP-HP sont-ils prêts à battre le pavé, comme au printemps dernier ? Le Dr Granger, du MDHP, assure que ce n’est pas à l’ordre du jour. « Pour le moment, nous négocions. Et nous attendons les propositions de Nicolas Sarkozy début mars. » L’Élysée reçoit parfois des médecins. Pas les paramédicaux. D’où leur envie de se faire entendre autrement : une action intersyndicale se profile. « On va essayer de rassembler tous les hôpitaux de Paris avant le premier tour, ou à l’entre deux tours, lors d’une grève ou d’une manifestation devant le ministère de la Santé », glisse Daniel Dutheil (FO santé AP-HP).
L’hôpital dans la rue à la veille du scrutin, la hantise de l’exécutif. « Les politiques n’ont pas tenu compte du signal fort adressé par les médecins de l’AP-HP au printemps dernier, ils ont sous estimé l’instrumentalisation qui serait faite du débat sur le plan stratégique », estime cette autre source. Pour qui l’AP-HP s’y est pris à l’envers: « Mieux vaut réorganiser avant de fermer des emplois. C’était compatible avec le calendrier 2012. L’institution a une responsabilité en matière de communication et de management. » Un praticien hospitalier, lui aussi anonymement, renchérit : « C’est sans doute la direction générale de l’AP-HP qui a eu l’initiative de ces annonces sur les suppressions de postes. C’est d’une extrême maladresse. Roselyne Bachelot est une fine politique. Elle n’aurait pas fait cette erreur ». À Valérie Pécresse, dorénavant, de donner le change. La candidate assure tenir la barre. « Rien à ce stade n’est décidé pour l’avenir de l’AP-HP, insiste-t-elle . Ceux qui affirment le contraire le font pour des motifs électoralistes. »
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