Vaccination anti-Covid : convaincre plutôt qu'obliger, promeut le CCNE, au nom d'une éthique de la responsabilité

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Publié le 29/03/2021

Crédit photo : S.Toubon

La vaccination des soignants est une nécessité et relève d’une exigence éthique et déontologique, mais en faire une obligation n’est pour l’heure « pas adapté », considère le Comité consultation national d’éthique (CCNE), dans une opinion publiée ce 29 mars, en lien avec la Conférence nationale des espaces de réflexion éthique régionaux (CNERER).

Après un premier travail sur la stratégie de la vaccination publié en décembre dernier, le CCNE se penche cette fois sur trois questions d’actualité suscitées par l’arrivée des vaccins : l’assouplissement des mesures en Ehpad, l’éventuelle obligation vaccinale des soignants et le pass sanitaire. Avec comme enjeu commun : le « juste équilibre entre le principe d’autonomie qui repose sur la liberté de consentir de chacun et la responsabilité collective ».

Comprendre les raisons de l’hésitation vaccinale

La vaccination des soignants et des intervenants du médico-social est plus que jamais nécessaire, pour les protéger (7,6 % des professionnels en établissement de santé participant à l’enquête de Santé publique France ont été contaminés entre mars 2020 et mars 2021) et pour protéger les patients.

Or, seulement 46,3 % des professionnels de santé en milieu hospitalier ont reçu une dose de vaccin au 21 mars 2021, et entre 40 à 60 % des professionnels en Ehpad. L’hésitation vaccinale serait partagée par la moitié des infirmiers et les deux tiers des aides-soignants, rappelle le rapport.

Sans poser de regard moral sur cette réaction, le CCNE et la CNERER y lisent une « crise profonde dans la confiance accordée au système de santé », qui s’explique par l’évolution des données sur l’efficacité et la sûreté des vaccins, et surtout par les problèmes de disponibilité des produits, et l’incertitude sur les règles d’attribution. Tout en rappelant l’exigence déontologique à se faire vacciner (comme l’ont d’ailleurs fait les 7 Ordres professionnels), au nom du principe de non-malfaisance1, les instances récusent l’idée d’une obligation tant que les conditions ne sont pas réunies : à savoir, un approvisionnement suffisant en doses de vaccins et l’atténuation des incertitudes, sources de décisions incohérentes et contradictoires.

Elles incitent en revanche à mettre en œuvre des « démarches pédagogiques et actives au sein des équipes », afin de les aider à appréhender objectivement les informations et choisir en conscience. Sur le plan matériel, le CCNE souligne que les soignants devraient avoir accès aux vaccins ayant le spectre de protection le plus large possible vis-à-vis des différents variants, compte tenu de leur risque d’exposition.

Dans les Ehpad, assouplir les règles au cas par cas

L’arrivée de la vaccination en Ehpad peut-elle signifier une levée totale des contraintes pour les résidents ? Si plus de 90 % des résidents de ces structures ont reçu au moins une première dose, une minorité n’est pas encore immunisée : soit par choix personnel, parce qu’ils sont arrivés récemment, qu’une maladie intercurrente les en empêche, ou encore que leur consentement n’a pu être obtenu en raison d’atteintes cognitives.

Impossible dans ce cas d’imposer une approche normative générale, lit-on. Les décisions doivent être prises au cas par cas en fonction de l’environnement épidémique et discutées en amont. Le choix d’alléger ou de maintenir les contraintes ne doit pas reposer seulement sur le chef d’établissement, mais être construit entre résidents, professionnels, familles, conseil de vie sociale, avec à l’esprit, le principe de stricte proportionnalité entre les risques et les bénéfices d’une levée des mesures de confinement.

Le CCNE et la CNERER promeuvent ainsi une éthique de la responsabilité. Mais ils alertent sur des points de vigilance : le choix de ne pas être vacciné ne peut limiter les libertés des personnes vaccinées ; et ces dernières ne doivent pas faire courir de risque aux premières. « D’un point de vue éthique, le traitement différencié des résidents selon leur statut en matière de vaccination ne doit pas entraîner de discrimination », est-il souligné.

Enfin, une réflexion sur le pass sanitaire est engagée, annoncent CCNE et CNERER, qui attirent l’attention sur l’importance de définir un cadre éthique rigoureux avant d’adopter un tel dispositif à l’intérieur des frontières nationales. A contrario, sa déclinaison à l’échelle internationale, le certificat vert que propose l’Union européenne, pose moins de problèmes éthiques, et « pourrait se justifier ».

1) « Si la liberté individuelle doit absolument être respectée, elle s’arrête à la mise en danger d’autrui : un principe éthique essentiel est de ne pas nuire à autrui », est-il écrit.


Source : lequotidiendumedecin.fr