« UBUESQUE », « Incohérent », « Incompréhensible », « On marche sur la tête ». À en juger par les qualificatifs employés par le Pr Hervé Fernandez, chef de service en gynécologie-obstétrique à l’hôpital Kremlin-Bicêtre et le Dr Florence Poli, dermatologue à l’hôpital Henri Mondor, pour décrire la décision de l’ANSM, la Diane 35 avait bel et bien sa place dans l’arsenal thérapeutique des deux spécialités médicales. Pas de « détournement » selon les deux spécialistes pour reprendre le terme utilisé par la ministre de la santé, puisqu’il « s’agit bien d’une pilule qui bloque l’ovulation » et qu’elle n’était pas prescrite aux femmes n’ayant pas d’acné.
Pour le Pr Hervé Fernandez, spécialiste du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), « la Diane 35 était particulièrement utile chez les femmes ayant une hyperandrogénie mineure à modérée ». La Diane 35 est composée d’éthinylestradiol 35 gamma et d’acétate de cyprotérone à faible dose (2 mg), ce progestatif antiandrogénique prescrit à forte dose (50 mg) dans les hirsutismes (idiopathiques et syndrome des ovaires polykystiques). « C’était suffisant pour améliorer l’acné, l’hyperpilosité et l’équilibre métabolique », poursuit-il.
Hyperandrogénie, acné.
Le SOPK, décrit par une hyperandrogénie clinique et/ou biologique avec des signes échographiques (Rotterdam, 2003), est présent chez 6 à 8 % de la population féminine, voire « 25 à 30 % dans la population turque et indienne. C’est l’endocrinopathie la plus fréquente, plus fréquente que le diabète ».
Était-elle si utile en dermatologie ? Si les recommandations de l’ex-Afssaps de 2007 sur l’acné ne la positionnent pas en première intention dans la stratégie thérapeutique, du côté du Dr Florence Poli, « la Diane 35 était très utile chez les femmes adultes âgées de plus de 25 ans ayant de l’acné qui dure. Et peu importe qu’elle soit rétentionnelle ou inflammatoire. Ce type de pilule est très efficace pour les lésions persistantes au niveau du menton et des régions sous-maxillaires résistantes ».
2e ou 3e génération ?
Alors maintenant, que faire ? « Pour être vraiment cohérent, je prescrirai une pilule de 2e génération. Même s’il faudrait déterminer la part relative au tabagisme et aux voyages de longue durée dans le risque thrombo-embolique accru. Il reste que les pilules de 2e génération restent mal tolérées au long cours chez ces femmes avec une prise de poids de 4-5 kg après quelques années. C’est ce qui a d’ailleurs justifié de basculer vers les pilules de 3e génération ». « Pour l’acné, elle s’améliore de toute de façon quelle que soit la pilule au bout de six mois », ajoute le gynécologue.
Roaccutane et Androcur
Le son de cloche est un peu différent du côté des dermatologues. Le Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France (SYNGOF) indique dans un communiqué en réaction à l’interdiction de Diane « bien des pilules de 2e génération peuvent les aggraver (les ravages de l’acné) ». Le Dr Florence Poli explique, « la réaction des femmes aux pilules de 2e génération est très variable, sans doute récepteur dépendant. Certaines ne voient rien changer, pour d’autres, l’acné s’aggrave ». Mais pour la dermatologue, les pilules de 3e génération marchent mieux contre l’acné. « Certes, il n’y a pas d’étude en effet montrant la supériorité de l’une par rapport à l’autre », concède-t-elle.
Alors quelle pilule choisir ?
« Je prescrirai une 3e génération, explique-t-elle. Mais plutôt que le Tricilest et la Triafemi, recommandés par l’ANSM, et qui d’après mon expérience ne marchent pas très bien, je préfère l’association EE-drospirénone, plus efficace ». Pour l’acné résistante, il reste l’option du Roaccutane, dont les risques sont au moins équivalents. « Outre les risques malformatifs, il y a le risque suicidaire. Les antibiotiques au long cours ne sont pas une bonne option chez ces femmes adultes, puisqu’il y aura automatiquement rechute à l’arrêt ». En cas d’hyperandrogénie sévère, acné ou pilosité, les deux spécialistes sont unanimes : il faut rajouter de l’acétate de cyprotérone à forte dose (Androcur). Mais tous deux pointent du doigt un autre problème : « Et cette fois on va nous reprocher d’être hors AMM ».
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