Deux ans et demi après sa création dans la loi Sécu 2018, l'article 51 – qui permet d'expérimenter de nouvelles organisations de prise en charge et des modes dérogatoires de financement – monte enfin en puissance.
Au 1er novembre 2020, 71 projets avaient été réellement lancés (contre 26 un an plus tôt) pour un financement pluriannuel de 399 millions d'euros*. Le ministère se félicite de la variété des promoteurs : les établissements ont proposé un tiers des projets (31 %), devant les groupements de professionnels (URPS, fédérations ou syndicats à hauteur de 21 %), les autorités de santé (ministère, CNAM, ARS pour 18 %), les libéraux isolés (10 %) et les industriels (7 %). Les acteurs de la ville jouent désormais un rôle majeur puisque « trois quarts des expérimentations » concernent peu ou prou des prises en charge en ambulatoire.
Forfait global et collectif
Côté financement, le paiement à la « séquence » ou à l'« épisode de soins » (via un forfait global pour les acteurs qui interviennent dans une prise en charge spécifique pour un patient donné) concerne 70 % de ces innovations. La « rémunération à la performance ou l'intéressement » (en fonction de l'atteinte d’objectifs) et le paiement « populationnel » (tributaire du nombre de patients) sont également testés et parfois combinés.
Quelque 130 nouvelles initiatives sont en cours d'instruction par les équipes de l'Assurance-maladie et du ministère de la Santé. Le dispositif « monte en charge, se réjouit Natacha Lemaire, rapporteur général des innovations en santé de l'article 51. L'année 2020 a été compliquée à gérer mais nous avons reçu des projets même si le rythme était ralenti ». La crise a eu à cet égard un effet contrasté. « Des équipes ont repoussé leur projet, comme la santé bucco-dentaire en EHPAD, mais d'autres projets se sont accélérés à l'instar de l'immunothérapie à domicile », signale Ayden Tajahmady, directeur adjoint de la CNAM.
Plusieurs projets sont déjà en phase finale – simplification de la prise en charge de l'hépatite C dans les populations vulnérables et à risque, télésurveillance du diabète gestationnel, parcours de soins intégrant la biologie délocalisée pour des patients chroniques sous AVK – et seront évalués dès cette année avant une généralisation éventuelle.
Gains attendus
Plusieurs exemples concrets illustrent cette dynamique. Dans le cadre de ces expérimentations, le centre Léon Bérard de Lyon suit une quarantaine de patients atteints d'un cancer et soignés par immunothérapie à domicile. 375 patients seront inclus jusqu'en 2024 pour un financement de 3,7 millions d'euros. Le suivi se déroule en trois phases, chacune correspondant à un forfait par patient à se répartir au sein de l'équipe. La première séquence se concentre sur l'éducation thérapeutique du patient à l'hôpital de jour (6 800 euros) ; les deux suivantes sont dédiées à l'administration du traitement par une infirmière libérale à domicile avec le suivi de l'oncologue et du médecin traitant (2 300 euros puis 3 800 euros). Outre l'amélioration de la qualité de vie, des économies sur les transports sanitaires sont estimées à 635 000 euros sur 5 ans.
À Dijon cette fois, une équipe de soins (médecin nutritionniste, endocrinologue, infirmier, psychologue et diététicien) suit 273 patients souffrant d'obésité. Elle propose un parcours thérapeutique pluridisciplinaire personnalisé (éducation en ligne, entretiens physiques, téléconsultations régulières, etc.). Objectif : diminuer les obésités sévères, les hospitalisations et le taux de recours à la chirurgie bariatrique. Trois forfaits annuels par patient (135 euros, 255 euros et 465 euros) ont été définis en fonction du profil du malade et de la complexité de la prise en charge.
Autre exemple, la Mutualité lance, au sein de cinq centres mutualistes, un programme de prévention innovant pour les prédiabétiques, construit autour d'objectifs individualisés. L'expérimentation concernera 140 patients sur trois ans. Un forfait à la capitation doit permettre une prise en charge coordonnée (alimentation et activité physique) par une équipe composée du médecin traitant, d'un diététicien, d'un professionnel de l’activité physique adaptée et d'un coordonnateur/coach. Le coût total par patient, dans le cadre de cette expérimentation, est de l'ordre de 890 euros.
* 380 millions d'euros issus du Fonds pour l’innovation du système de santé (FISS) et 19 millions du Fonds d'intervention régional (FIR) des ARS.
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