Risques liés à l’AMP, pertinence des IPP chez le nourrisson ou encore dangerosité potentielle des régimes “sans” chez l’enfant : le récent congrès des sociétés de pédiatrie (Lyon, 24-26 mai) a permis de trancher certains débats récurrents.
Plus de déficit en Fer et vitamine D chez l’enfant obèseLes enfants obèses ont un risque accru de déficit ou de carences en fer et vitamine D.
Ainsi, dans l’étude américaine Nhanes, le risque de carence martiale est doublé chez les 2-16 ans obèses ou en surpoids (5,5 % vs 2,1 %) et presque triplé dans une étude européenne chez les 9-13 ans (28,6 % vs 15,5). Constat identique pour l’anémie ferriprive, avec un risque plus que triplé (8,2 % vs 2,0 %). « La cause principale de l’augmentation de la prévalence des déficiences en fer chez l’enfant obèse est l’augmentation de l’hepcidine circulante (hormone polypeptidique synthétisée par le foie) du fait du syndrome inflammatoire chronique », explique le Pr Jean-Philippe Girardet (hôpital Trousseau, Paris). Or, non seulement l’hepcidine limite l’absorption duodénale du fer (d’où une supplémentation moins efficace) mais aussi le recyclage du fer héminique des macrophages. Le syndrome inflammatoire chronique associé à l’obésité entraîne aussi une augmentation de la ferritine. Pour cette raison, celle-ci n’est plus recommandée seule dans l’évaluation de la carence martiale chez l’enfant obèse, au profit de la combinaison de différents marqueurs comme la saturation de la transferrine, les protoporphyrines érythrocytaires ou les récepteurs solubles de la transferrine. Pour autant, la supplémentation en fer systématique n’est pas recommandée chez l’enfant obèse, sauf en cas d’anémie persistante.
Pour la vitamine D, les études vont toutes dans le même sens : la concentration de 25(OH) vitamine D plasmatique est plus basse chez l’enfant obèse, avec une augmentation de 40 % de la prévalence des déficits. La chute de la 25(OH) D s’explique principalement par la séquestration de la vitamine D dans le tissu adipeux. Néanmoins, aucune instance n’est en faveur d’une supplémentation plus élevée que ce qui se fait en population générale (deux doses de charge de 80 000-100 0000 UI hivernales trimestrielles, de 18 mois à 18 ans).
Jus végétaux, le spectre des carences

Cinq ans plus tard, une étude de cohorte parisienne – la plus importante publiée à ce jour – vient de confirmer les risques, mettant en évidence des complications nutritionnelles parfois sévères. Dans cette étude portant sur les enfants vus dans le service de nutrition et gastro-entérologie pédiatrique de l’hôpital Trousseau (Paris), les auteurs ont pu relier les problèmes de santé observés à la consommation exclusive de jus végétal dans 34 cas. Conseillé aux parents par les “médias”, les naturopathes ou les ostéopathes, ces jus avaient été débutés en moyenne à 5,2 mois. La plupart des complications nutritionnelles étaient de sévérité moyenne, type cassure staturo-pondérale (82 %), œdème diffus (18 %), anémie ferriprive (60 %) ou hypoalbuminémie (55 %). Néanmoins, les auteurs rapportent onze complications sévères ou très sévères, dont un malaise sur anémie profonde (< 6 g/dl), un état de mal convulsif par hypocalcémie, une détresse respiratoire par alcalose métabolique, des troubles de la conscience dus à une hyponatrémie, une fracture osseuse et même un hématome sous-dural bilatéral par hypovitaminose K. L’âge moyen au moment du diagnostic était de huit mois.
« Seul un tiers des jus végétaux communiquent leur composition, regrette le Pr Patrick Tounian, (hôpital Trousseau, Paris) co-auteur de l’étude. Lorsqu’elle est affichée, on se rend compte que la teneur en protéines (0,1 g/100 ml) du jus de riz ou de châtaigne est très faible alors qu’ils contiennent plus de glucides qu’un lait 1er âge. Dans tous ces jus, soit il n’y a ni calcium ni fer, soit ils sont sous forme native et de ce fait, très mal absorbés. » Même s’ils jugent ces jus « totalement inadaptés aux besoins des nourrissons », le gastro-pédiatre préconise « d’accompagner plutôt que combattre » pour ne pas perdre le contact avec le jeune patient. Pour les enfants dont les parents refusent le lait de vache, des préparations infantiles à base de riz sont disponibles dans le commerce, à poursuivre idéalement jusqu’à six mois.
Cette problématique des jus végétaux rejoint celle du régime végétalien (qui exclut les produits carnés mais aussi le poisson, le lait, les œufs) ou des régimes “sans” (viande, lait, gluten) imposés par les parents et que certains spécialistes assimilent désormais à de la « maltraitance nutritionnelle ». Les études convergent à propos des déficits des adolescents végétaliens comparés aux omnivores, avec des subcarences en protéines et des carences en vitamine B12 (qui provient quasi exclusivement du monde animal), vitamine D et calcium. Tout récemment, l’association européenne de pédiatrie a aussi confirmé les risques liées à une alimentation végétalienne chez l’enfant, avec des carences en vitamine A, B2, B12, D, fer, zinc, calcium, DHA, et en protéines chez le nourrisson.
Devant un enfant végétalien, les sociétés de nutrition pédiatrique française et européenne (comité de nutrition de la SFP, ESPGHAN) préconisent la conduite à tenir suivante : supplémentation systématique de 2-3 mg/kg/j en fer métal (après dosage de la ferritinémie), supplémentation en calcium comprise entre 500 et 1 000 mg/j (selon l’âge et les autres apports), apport de 250 g tous les 10 jours de vitamine B12, 100 000 UI de vitamine D tous les trois mois et DHA (acide gras semi-essentiel utile au fonctionnement cérébral) sous forme de supplément à base de microalgues ou Ysomega R à raison d’1g/j. Dans le monde, le nombre de végétaliens a progressé de 350 % au cours de la dernière décennie. Avec moins de 3 % d’adeptes, la France reste relativement épargnée. Même si la rumeur enfle d’une journée végétarienne dans les écoles…
IPP : le traitement empirique recadré

Autre mise en garde, le traitement empirique ne doit pas être utilisé de manière régulière pour diagnostiquer une œsophagite. Néanmoins, « ces nouvelles guidelines laissent la porte ouverte à la possibilité exceptionnelle de mener un test thérapeutique chez un nourrisson (moins d’un an) en cas de suspicion d’œsophagite due à un reflux », souligne le Dr Pascale Roy (pédiatre à Lyon). Le test sera impérativement conduit sur 14 jours à la dose de 1 à 2 mg/kg/j.
Les IPP n’étant pas un traitement de première intention, cela ne dispense pas de la prescription préalable d’épaississants, de pansements gastriques (antiacides) et d’alginates. Il faut oser prescrire les IPP, mais stopper le traitement si aucun effet n’apparaît, sans augmenter les doses ni changer d’IPP.
AMP, des risques réels

En termes d’anomalies congénitales, les études retrouvent entre 4,9 % et 9 % de malformations. Par rapport à la population générale, le risque est accru de 12 % après une FIV classique et de 22 % après ICSI. On observe chez les enfants conçus par AMP beaucoup plus d’anomalies neurologiques (RR = 1,7), cardiaques (RR = 1,6-1,7), uro-génitales (RR = 1,5) et des membres (RR = 1,5).
Le rétinoblastome (plus de six fois plus) et le néphroblastome (plus de trois fois plus) sont les seuls cancers pédiatriques dont le risque est augmenté chez les enfants issus d’AMP. Quant aux troubles du neuro-développement, quelques études pointent des troubles du spectre autistique et une baisse du QI, à confirmer. Enfin, les données sont encore à approfondir sur le profil cardiovasculaire et métabolique de ces enfants. Une méta-analyse avec des suivis de 8 à 21 ans a récemment dessiné une tendance à plus d’HTA et d’intolérance au glucose chez les enfants après FIV et ICSI.
Alors qu’en 2018, un enfant sur trente devrait être conçu par AMP, ces données plaident pour « un suivi pédiatrique attentif par des médecins avertis du mode de conception, estime le Dr Pascale Mirakian (Centre de FIV, Lyon), afin de repérer certaines fragilités ou pathologies mises en évidence par les études ».