De notre envoyée spéciale
A Bordeaux, où elle a entamé son troisième Tour de France des régions, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) a fait salle comble. Plus de cinq cents hospitaliers publics et privés sont venus de toute l'Aquitaine écouter sa bonne parole ; des responsables de clinique et d'hôpital studieux, mais aussi pressés par le temps.
Course contre la montre
Car depuis quinze mois que le système fonctionne, sur les quelque 3 500 établissements de soins que la loi contraint à entrer dans la procédure avant la fin du mois d'avril, seulement un peu plus de 320 ont effectivement franchi le pas.
Il reste moins de trois mois à 3 000 retardataires pour faire acte de candidature auprès de l'ANAES. Une course contre la montre est engagée qui a conduit l'Agence, menacée de débordement, à revoir ses méthodes de travail. Désormais, l'engagement dans la procédure se fait en deux temps : ce qui doit être envoyé avant avril par les établissements, c'est un premier dossier « simplifié », dans lequel l'hôpital ou la clinique précise les dates auxquelles il ou elle pense avoir mené à bien son autoévaluation, d'une part, être prêt à recevoir la visite des experts de l'ANAES, d'autre part.
Dans un second temps seulement, l'établissement enverra à l'Agence un dossier détaillé de présentation.
A Bordeaux, le Pr Yves Matillon, directeur général de l'ANAES, a promis que, dans cinq ans, tous les hôpitaux et toutes les cliniques auront été accrédités une fois. L'Agence, qui, depuis novembre 1999, n'a validé de rapport d'accréditation (l'étape finale de la procédure) que pour 31 établissements, et n'en a programmé que 146 pour 2001, va devoir sérieusement modifier ses cadences.
Des " ficelles " dévoilées
Elle envisage donc de recruter de nouveaux experts. Ils sont 355 aujourd'hui, devront être 550 à la fin de l'année. Elle compte aussi sur l'amélioration du niveau de préparation des établissements à l'accréditation. D'où la tonalité de l'édition 2001 et son tour des régions : le tapis rouge de l'accréditation est déroulé pour les hospitaliers, les coulisses dévoilées, les chausse-trapes de la procédure, identifiées.
Aux Aquitains, le Pr Francis Blotman explique les rouages du collège de l'accréditation qu'il préside, révèle que les « réserves » ou les « recommandations » qu'il prononce tiennent le plus souvent à « l'organisation de la prise en charge du patient » et au « dossier du patient ». Deux experts visiteurs de l'ANAES agitent quelques ficelles de leur métier. Le directeur d'une clinique lilloise déjà « accréditée » raconte son expérience. Les chiffres des procédures en cours (75 visites réalisées à la fin du mois de décembre 2000, 14 CHU engagés...), la durée moyenne de l'aventure (10 mois), le coût d'une visite d'experts de l'ANAES (de 20 000 à 250 000 F, selon la taille des établissements), rien n'est caché.
Le fond et la forme
Autres temps, autres murs. Entre le premier et le troisième tour de France de l'ANAES, le regard des hospitaliers sur l'accréditation a beaucoup évolué. Les interrogations sur la nécessité et l'intérêt de la procédure, les inquiétudes relatives aux possibles corrélations entre l' imprimatur de l'ANAES et l'allocation de moyens par la tutelle, les dates sur l'opportunité de rendre publics les résultats de l'accréditation ont cédé le pas à des questions beaucoup plus techniques.
Manifestement, les professionnels concernés ont presque tous jeté un il sur le manuel d'autoévaluation édité par l'ANAES. A Bordeaux, ils interrogent les responsables de l'Agence sur tel ou tel item de ce livret ; une clinique de Carcassonne demande si son unité mobile de soins palliatifs peut être prise en compte dans la procédure ; une clinique de Marmande, qui va bientôt participer à une opération de restructuration, voudrait savoir si l'accréditation peut s'adapter en cours de route aux regroupements et aux fusions. Les grands comme les petits explorent le fond et la forme de la procédure. Un centre de soins de suite et de réadaptation s'inquiète : « Y a-t-il un ordre de passage ? Les établissements modestes seront-ils les derniers auxquels l'ANAES s'intéressera ? » Le CHU de Bordeaux, qui a choisi de se diviser en trois pour suivre la procédure, recevra-t-il « trois rapports ou un seul » ?
Preuve supplémentaire de l'adaptation des professionnels : ils commencent à réfléchir au parti qu'ils pourraient tirer de la nouvelle donne. Un médecin qui s'indigne de ce qu'il n'y ait pas de praticien la nuit sur place dans sa clinique chirurgicale interpelle l'ANAES : « Tiendrez-vous compte de cette situation quand vous viendrez visiter mon établissement ? » Une infirmière rebondit : l'Agence n'a-t-elle pas le moyen de remédier à l'insuffisante qualification des personnels de sa clinique ? Non, répond le Pr Matillon, « l'accréditation n'est pas la vérification des compétences ». Mais la machine paraît lancée, et les hospitaliers semblent bien décidés à profiter du système. Il se murmure d'ailleurs que le rêve de tout établissement de santé est d'être accrédité par l'ANAES « avec réserves », c'est-à-dire de se voir officiellement reconnaître quelques insuffisances qui leur permettront de négocier des crédits supplémentaires.
L'ANAES sera à Rennes le 22 février, à Valence le 27 février, à Nancy le 1er mars, à Paris le 6 mars.
Les 10 temps de l'accréditation
1) L'établissement dépose à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) son dossier d'engagement dans la procédure.
2) Un mois plus tard, il conclut un contrat d'accréditation avec l'Agence.
3) Pendant trois à six mois, il procède à son autoévaluation et communique ses résultats à l'Agence.
4) L'ANAES se donne deux mois pour préparer la visite de l'établissement.
5) Les experts de l'ANAES procèdent à la visite. Celle-ci dure entre trois et huit jours.
6) Deux mois plus tard, les experts rendent leur rapport, document communiqué à l'établissement.
7) L'établissement a un mois pour faire des observations.
8) Le collège de l'accréditation de l'ANAES examine le rapport des experts et les observations de l'établissement. Il rédige le rapport d'accréditation.
9) L'établissement a un mois pour contester.
10) Le compte rendu d'accréditation, résumé du rapport, est rendu public.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature