Santé publique

Antibiorésistance, un léger mieux ?

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Publié le 18/11/2022
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Recul des résistances aux C3G, baisse des consommations d'antibiotiques critiques, etc. Les données publiées par Santé publique France à l'occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques laissent entrevoir une amélioration sur le front de la lutte contre l'antibiorésistance. Pour autant, les efforts doivent être poursuivis, insistent les autorités sanitaires.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

C’est un bilan en demi-teinte. Selon un rapport publié par Santé publique France à l’occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques du 18 novembre, les principaux indicateurs de l’antibiorésistance reculent en France, et notamment en ville. Cependant, les objectifs nationaux ne sont toujours pas atteints.

Les auteurs de ce rapport se sont penchés sur des données d’antibiorésistance de 2021 provenant à la fois de la mission nationale de surveillance et de prévention de la résistance aux antibiotiques et des infections associées aux soins en ville et en secteur médico-social (Primo) et de la mission nationale de surveillance et de prévention de l’antibiorésistance en établissements de santé (Spares). La première collecte des antibiogrammes réalisés au sein d’un réseau de plus de 1 560 laboratoires de biologie médicale (soit 37,6 % des laboratoires libéraux de biologie médicale installés en France). La seconde compile les données d’antibiorésistance en secteur hospitalier via un réseau de plus de 1 000 établissements (soit 54 % des journées d’hospitalisation (JH) réalisées en France).

La résistance aux fluoroquinolones continue d’augmenter en ville

Résultat : que ce soit « en santé humaine, en ville, en établissements pour personnes âgées dépendantes (ou) en établissements de santé », la résistance des souches de E. coli aux céphalosporines de 3e génération (C3G), indicateur majeur de l’antibiorésistance, diminue, résument les auteurs.

Cependant, le rapport prévient tout excès d’enthousiasme. Car en y regardant de plus près, ses conclusions apparaissent mitigées. Certes, en ville, les antibiogrammes recueillis par la mission Primo témoignent bien d’une baisse de la résistance d’E. coli aux C3G depuis 2015. Mais est aussi observée une recrudescence des résistances aux fluoroquinolones – amorcée en 2019 et qui se poursuit en 2021.

En outre, en Ehpad, malgré un recul depuis 2019, la résistance d’E. coli aux C3G reste plus élevée en 2021 qu’en 2011. Et alors qu’elle « était en diminution plus ou moins marquée depuis 2013 », les résistances aux fluoroquinolones ont connu un rebond en 2021.

Si bien qu’ « au total, aucun de ces quatre indicateurs de la stratégie nationale n’atteint la cible qui lui a été fixée pour chaque année par la stratégie nationale », déplorent les auteurs du rapport.

À l'hôpital, des progrès fragiles sur le front des EBLSE

À noter qu’à l’hôpital, si les résistances d’E. coli aux C3G et aux fluoroquinolones diminuent toutes les deux, l’évolution de l’incidence des infections à entérobactéries productrices de béta-lactamase à spectre étendu (EBLSE) ne permet pas de crier victoire. Alors que leur incidence – qui baissait depuis 2016 – avait connu un rebond en 2020, 2021 semble tout juste synonyme d’un retour à la normale. Soit à « un niveau similaire à 2019 avec 52 cas pour 100 000 JH ». Une évolution plutôt positive mais qui montre que les « efforts de maîtrise de la transmission croisée et de meilleur usage des antibiotiques en établissement de santé » doivent être poursuivis « sans relâche », jugent les auteurs.

Les consommations d’antibiotiques reparties à la hausse en ville

Le rapport revient par ailleurs sur l’évolution des consommations d’antibiotiques en 2021… et dresse là encore un bilan mi-figue, mi-raisin.

Globalement, « les indicateurs de consommation des antibiotiques critiques sont en baisse », conclut le rapport. Mais certains signaux incitent à la vigilance notamment en ambulatoire.

Début novembre, Santé publique France avait déjà publié les données relatives à la consommation et à la prescription d’antibiotiques en ville en 2021. Des chiffres qui restaient inférieurs à ceux de 2019 mais qui témoignaient d’une reprise de l’utilisation de ces médicaments après la baisse historique liée au Covid-19 de 2020. Le nouveau rapport confirme ces données et pointe un nombre de prescriptions pour 1 000 habitants toujours « supérieur à (…) la cible fixée par la stratégie nationale 2022-2025 ».

À l’hôpital, d’après les données colligées par la mission Spares, les résultats apparaissent un peu plus encourageants. Comme en Ehpad, la consommation des antibiotiques a continué de baisser en 2021 par rapport à 2020.

Ainsi « au fil des années, des succès ont été enregistrés mais doivent être maintenus », concluent les auteurs.

Des progrès marqués en médecine vétérinaire

Alors que l’approche One Health est de plus en plus mise en avant, les progrès de la lutte contre l’antibiorésistance continuent en santé animale en 2021.

En termes de consommation, « les données de ventes d’antibiotiques en santé animale analysées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) montrent qu’entre 2011 et 2021, l’exposition globale des animaux aux antibiotiques a diminué de 47 % », se félicitent les auteurs du rapport, soulignant que les objectifs des plans Ecoantibio (réduction de 25 % de l’usage des antibiotiques entre 2021 et 2016, et maintien de la dynamique de recul à partir de 2017) sont atteints.

En parallèle, « les données issues du Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Résapath) montrent depuis plusieurs années une nette tendance à la baisse de la résistance des E. coli aux C3G et aux fluoroquinolones pour toutes les espèces animales », s’enthousiasment les auteurs.

Des tendances positives, qui « reflètent les efforts des professionnels, vétérinaires et éleveurs, et l’effet de la réglementation pour maîtriser les usages d’antibiotiques ».


Source : lequotidiendumedecin.fr