Les prescriptions s’améliorent mais les résistances résistent…En amont de la journée européenne de sensibilisation au bon usage des antibiotiques du 18 novembre, l’agence santé publique France, l’ANSM, l’Anses et l’assurance maladie viennent de publier un bilan en demi-teinte des consommations d’antibiotiques et des résistances en France, notamment en ville.
Premier constat : avec 30,3 doses journalières définies (ddj) pour 1 000 habitants délivrés en 2016, la consommation globale d’antibiotiques en médecine de ville, continue d’augmenter légèrement (+ 1,3% par rapport à 2015) et reste parmi les plus élevées au niveau international, comme l'a d'ailleurs pointé récemment l'OCDE (lire p 8)
Près 2 millions de prescriptions évitées en 2016
Centrée sur les 16-65 ans, l’évolution des prescriptions d’antibiotiques par les médecins libéraux, documentée dans le cadre de la ROSP, « est plus encourageante », nuancent les auteurs du bilan. De fait, depuis 2011 le nombre de prescriptions d’antibiotiques hors ALD a été réduit dans cette population de 7,1 %. Avec pour la seule année 2016, environ 2 millions de prescriptions évitées.
Certes, ce coup de frein ne concerne ni les enfants, ni les séniors ni les patients en ALD - qui consomment habituellement plus d’antibiotiques que la population française moyenne — mais « c’est déjà une bonne chose » se félicite le Dr Caroline Semaille (Directrice en charge notamment des médicaments anti-infectieux à l'ANSM ).
Moins d’antibiotiques « critiques »
D’un point de vue qualitatif, certains indicateurs sont aussi au vert comme les consommations de fluoroquinolones et de céphalosporines de 3e et 4e générations (C3G/C4G) qui ont reculé respectivement de 30,5 % et 8,9 % entre 2006 et 2016.
Alors que globalement les pénicillines poursuivent leur progression, avec une hausse de plus de 35 % en 10 ans, « les consommations d’un antibiotique particulièrement générateur de résistance, l’association amoxicilline/acide clavulanique, se sont elles stabilisées en 2016 » indique le Dr Philippe Cavalié, (référent économie des produits de santé au sein de la Direction de la surveillance à l'ANSM).
Pour ces 3 classes identifiées comme "critiques" par l’ANSM en 2013, l’évolution des prescriptions est donc plutôt favorable. En miroir, les consommations d’amoxicilline continuent à progresser suggérant l’existence d’un report des prescriptions.
Effet Rosp ?
ROSP, recommandations plus ciblées, etc., plusieurs éléments peuvent avoir contribué à ces évolutions favorables mais les données publiées par l'ANSM qui portent exclusivement sur les consommations ne permettent pas d'analyser .
Quoi qu’il en soit, « il faut maintenir l’effort », insiste le Dr Semaille. Depuis 2016 et la nouvelle convention, un indicateur qualitatif ciblant spécifiquement les consommations d’antibiotiques "critiques" a été rajouté dans la ROSP. D’autres pistes sont à l’étude comme la dispensation à l’unité ; la réduction des durées d’antibiothérapies, etc.. En parallèle, « il y a un travail d'information des médecins à faire qui devra être accompagné d'un travail d’éducation auprès des patients ».
Enfin, si les enjeux en ville sont majeurs- « plus de 90 % des prescriptions d’antibiotiques se font en ville » rappelle le Dr Cavalié, le mouvement doit aussi porter sur les établissements de santé et la santé animale.
Sur le secteur hospitalier, les consommations sont plutôt stables depuis 10 ans, avec 2,2 ddj / 1 000 habitants délivrées en 2016. En santé animale, le recul est réel, avec depuis 2011, une baisse de 37 % de l’exposition des animaux aux antibiotiques soit davantage que l’objectif de -25 % en 5 ans fixé par le plan ÉcoAntibio.
Des entérobactéries de plus en plus résistantes
Malgré ces embellies, certains niveaux d’antibiorésistances restent préoccupants notamment pour les entérobactéries. En ville, entre 2008 et 2016, la proportion d’E Coli résistantes aux C3G a été multipliée par 3 pour atteindre 4,2 %.
Même montée en puissance à l’hôpital où le taux de E. coli résistantes aux C3G (par production de BLSE dans 80 % des cas) est passé de 2,0 % en 2006 à 11,2 % en 2016 parmi les souches isolées d’infections graves. L’émergence de bactéries hautement résistantes (B HRe) notamment aux carbapénèmes se confirme même si le phénomène « reste limité ». Les institutions pointent enfin une « résistance [aux céphalosporines et aux fluoroquinolones] encore émergente mais inquiétante » pour les salmonelles.
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