TABLE
C OMME Charles Trenet faisait valser les golfes clairs, la dernière édition du Michelin fait valser les étoiles, mais est-ce bien l'essentiel ? Certainement pas, et ce serait lui rendre un bien mauvais service que de résumer l'événement en une affaire d'étoiles confirmées, nouvellement attribuées ou supprimées.
Quel est le pourcentage, parmi les acheteurs du Guide rouge France, qui s'intéresse d'abord aux trois étoiles gastronomiques ? Quel est le pourcentage de lecteurs concernés directement par le retrait d'une étoile au Louis XV d'Alain Ducasse, à Monte Carlo, ou par l'attribution, cette année, de trois étoiles à Marc Veyrat à la Ferme de mon père, à Megève ? Soyons clairs : combien de lecteurs du Guide rouge vont accepter de régler une addition de plus de 2 000 F par personne ? Le Guide rouge, pratique et populaire, doit-il devenir élitiste ?
Bernard Naegellen, son ancien patron durant une trentaine d'années, s'était précisément efforcé de faire la part des choses : il était le contraire d'un snob de la gastronomie et il n'a jamais voulu sortir un guide pour le plus petit nombre ni pour faire plaisir simplement à quelques initiés cultivant le copinage. L'ambition du Guide, la même qu'au début du siècle dernier, est autre, et Derek Brown, son nouveau patron, devra s'en souvenir : il s'agit d'abord de donner un maximum d'informations au touriste, au voyageur, au gastronome et non pas de suivre l'humeur voyageuse de quelques grands chefs qui font de l'argent en faisant de la cuisine.
Il est sans doute excellent qu'un guide gastronomique s'intéresse de près aux évolutions d'une table exceptionnelle : le sondage annuel a sa raison d'être et les courts commentaires publiés dans le Guide à propos des quatre grandes tables sont joliment rédigés et ciselés avec adresse pour inviter le lecteur à faire le détour.
Cette année, les tables des palaces parisiens sont en première ligne (Plaza, Bristol, Meurice), mais un effort est fourni dans la description des bonnes tables de province, effort qui laisse entendre que ce Guide rouge n'est pas uniquement destiné aux bien nantis de la planète gastronomique...
On ira donc redécouvrir la Table des Magnolias au Perreux, près de Paris, et découvrir, par exemple, Arnaud Lallement, à Reims. On ne s'étonnera pas de la perte d'une étoile à la Côte Saint-Jacques, à Joigny, où Jean-Michel Lorzin aurait tendance à vivre sur la vitesse acquise.
Le Guide rouge compte cette année quatre cent dix très bonnes tables en France : voilà une belle réflexion. On se réjouira tout autant des centaines de restaurants à la cuisine soignée avec un bon rapport qualité/prix. Dans ce domaine, le Guide rouge Michelin est grandement fiable, et c'est bien l'essentiel de ce que l'on attend lorsqu'on achète un guide, non pas pour découvrir les palaces parisiens, mais pour savoir où l'on va mettre les pieds sous la table à travers la France tout entière.
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