Avec la formation du public, une clé de la survie

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Publié le 05/03/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le progrès peut sembler modeste, mais pour les urgentistes il est important : sur les 52 955 victimes d'arrêt cardiaque répertoriées entre 2011 et 2012 par le registre électronique des arrêts cardiaque (RéAC), et pris en charge par le SMUR, on compte 7,8 % de survie contre 4 % il y a 15 ans.

« Le déploiement et l'utilisation des défibrillateurs sont des éléments clés de cette évolution, analyse le Pr Pierre-Yves Gueugniaud, responsable de RéAC. Dans près de 10 % des cas un défibrillateur a été posé, alors qu'on était à moins de 4 % en 2011. »

Pour le Pr Frédéric Lapostolle, directeur médical adjoint du SAMU 93, les 30 dernières années ont vu se succéder les échecs des médicaments tentant d'améliorer le pronostic de l'arrêt cardiaque : « Sur le plan pharmacologique, on n'est même pas certain que l'adrénaline, le seul traitement que l'on utilise, est efficace, reconnait-il. La défibrillation est le seul moyen qui nous a permis de progresser. »

Deux fois plus de recours aux défibrillateurs

Dans le détail, la survie 30 jours après l'arrêt cardiaque est de 13,5 % chez les patients sur qui l'on a posé un défibrillateur automatique externe (DAE), contre seulement 5,2 % pour les autres. Cette comparaison n'est pas dénuée de biais : les patients bénéficiant d'un DAE avaient logiquement plus de chances que les autres d'être en présence d'un témoin formé aux gestes de premiers secours.

Le Dr Wulfran Bougouin, membre du centre d'expertise mort subite (CEMS, Paris), se montre plus prudent : « Il n’y a pas de "magic bullet" dans la prise en charge de l'arrêt cardiaque. Il serait illusoire de croire que cette amélioration ne repose que sur un seul facteur comme les défibrillateurs ». Pour ce réanimateur, c'est l'ensemble des maillons de la chaîne de la prise en charge qui ont été renforcés. « Il y a eu un réel travail d'amélioration de reconnaissance du diagnostic par les régulateurs des services d'urgence. Il y a aussi davantage de massages cardiaques réalisés par les témoins : 15 à 20 % des cas au début des années 2000, contre 45 à 50 % maintenant. Enfin, la prise en charge pendant la phase hospitalière s'est aussi perfectionnée. » Selon les données du centre d'expertise mort subite, seulement 26 % des victimes d'arrêt cardiaque ont un rythme choquable.

Il reste de plus une marge d'amélioration : « À Seattle, une ville très en pointe en ce qui concerne la prise en charge de l'arrêt cardiaque, les taux de survie des patients présentant un ACR en rythme choquable sont supérieurs à 30 %, encore supérieurs aux résultats constatés en France à l'heure actuelle », constate le Dr Bougouin.

Dans une étude récente publiée dans « Circulation » les cardiologues de l'école universitaire John Hopkins de Baltimore, constatent également un impact positif de l'utilisation des DAE. Sur les 2 500 arrêts cardiaques choquables de leur analyse, un DAE n'avait été utilisé que dans 18,8 % des cas. Le taux de survie à la sortie de l'hôpital est de 66,5 % dans le groupe ayant bénéficié d'un DAE, contre 43 % dans le groupe n'en ayant pas bénéficié. Soit une multiplication par 2,62 des chances de survie et par 2,73 des chances de survie sans séquelle.

Les auteurs ont ainsi calculé que 57,1 % des patients qui ont bénéficié d'un DAE ont récupéré sans conséquences fonctionnelles, contre seulement 32,7 % de ceux qui ont dû attendre l'arrivée des secours. Sans recours à un DAE, environ 70 % des patients souffrant d'un arrêt cardiaque décédaient ou survivaient avec des séquelles neurologiques.

10 % de survie en moins par minute

Dans les recommandations émises en 2015 par le conseil européen de réanimation, il est précisé qu’« une défibrillation dans les 3 à 5 minutes qui suivent l'évanouissement peut mener à des chances de survie de l'ordre de 50 à 70 % [...] chaque minute de retard réduit les chances de survie à la sortie de l'hôpital de 10 % ».

Pour le Pr Pierre-Yves Gueugniaud, « le temps écoulé entre l'arrêt cardiaque et l'arrivée des secours peut difficilement être amélioré, car il faudrait multiplier les points de départ de SAMU et de SMUR. On peut contourner le problème par la sensibilisation du grand public et le déploiement des « bons samaritains » formés aux premiers secours dont la position serait connue par les services d'urgence qui pourront les faire intervenir s'ils sont à proximité. »

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9645