ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
C 'EST en plein travail que Bazaine trouve la mort. Il était né en 1904. Parce que sa famille fréquentait celle de Proust, il connaît l'écrivain dans sa jeunesse. Ainsi se place d'emblée le climat intellectuel dans lequel son uvre va se développer et s'épanouir.
Il songe un moment à la sculpture, mais c'est finalement la peinture qu'il aborde dès 1924. Sa première exposition particulière date de 1932, mais il atteint une sorte de gloire, parmi ses pairs, en 1941, alors qu'au nez et à la barbe de l'occupant il organise une manifestation revendiquant la spécificité de la peinture française. C'est la légendaire exposition présentée chez Braun, « Vingt jeunes peintres de tradition française ». Il joue alors le rôle d'un pilote auprès des artistes de sa génération, militant pour un art « non figuratif » aux côtés de Manessier, Le Moal, Lapicque, Estève, sous la bénédiction d'un grand aîné, Jacques Villon, exposant d'ailleurs dans la même galerie que ce dernier : Louis Carré.
La « non-figuration » s'oppose à l'abstraction en ce sens qu'elle s'appuie grandement sur la réalité mais vise moins à la représenter qu'à traduire les forces naturelles qui la vivifient.
On est, avec lui et ses compagnons de militantisme pictural, dans le voisinage de Gaston Bachelard, donnant une étude aussi fine qu'éveillante des « éléments ». La peinture se pose ainsi au cur même de la nature, dont elle transmet les signes essentiels, la dynamique, retrouvant ainsi la leçon du Monet des dernières années à Giverny, et de la série des « Nymphéas ». Poussant encore plus loin que lui la présence picturale d'un phénomène naturel « ressenti » plus que simplement vu. Bazaine consigne ses idées picturales dans un livre ,« Notes sur la peinture d'aujourd'hui », unanimement reconnu comme un jalon essentiel dans la démarche de la pensée esthétique. Le philosophe Merleau-Ponty le tenait en grande estime et l'avait largement annoté. Il a été un véritable manuel de réflexion qui accompagnait l'évolution de la peinture vers ce que l'on a baptisé, faute de mieux, le « paysagisme abstrait » et qui fut, au cur des années soixante, le point fort de l'activité artistique française avant que les coups de butoir du pop art et l'offensive de l'art américain ne viennent bousculer le champ d'investigation largement occupé par les générations de ces années fastes de l'Ecole de Paris.
Depuis, Bazaine était devenu une figure « historique » même s'il continuait à peindre, réfléchir et stimuler l'ardeur de ceux qui refusent la prétendue mort de la peinture.
La mort du maître n'entraîne pas nécessairement l'abandon de ses idées. Bien au contraire.
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