Parfois, le mieux est l’ennemi du bien. Cet adage s’applique à la surveillance des tumeurs colorectales réséquées, où le taux d’antigène carcino-embryonnaire (ACE) et le scanner sont souvent réalisés de manière systématique, comme préconisé par certaines sociétés scientifiques. L’essai Prodige 13, dont les résultats concernant le sous-groupe des cancers du côlon ont été détaillés pendant le congrès, met un terme à ces pratiques après avoir démontré non seulement l’absence de bénéfice sur la survie globale mais aussi un surrisque de réinterventions chirurgicales inutiles.
Des réinterventions chirurgicales excessives
Cet essai prospectif randomisé de phase 3 évaluait, d’une part, l’intérêt d’une mesure régulière du taux d’ACE et, d’autre part, celui d’une surveillance radiologique intensifiée par l’utilisation du scanner thoraco-abdominopelvien, versus échographie abdominale/radiographie pulmonaire. Avec un suivi médian de 7,8 ans, une récidive a été observée dans 21,7 % des cas, 21 mois en moyenne après la prise en charge initiale, sans différence entre les groupes surveillance par ACE et/ou radiologique intensifiée et le groupe échographie abdominale/radiographie pulmonaire. « La stratégie consistant à doser régulièrement l’ACE et à pratiquer des scanners thoraco-abdominopelviens répétés n’apporte donc aucun bénéfice par rapport à l’échographie abdominale/radiographie pulmonaire », assure le Pr Côme Lepage, hépato-gastroentérologue et oncologue digestif (CHU Dijon) et investigateur principal de Prodige 13.
L’ACE n’apportait pas d’avance significative au diagnostic. « Or, s’il rassure beaucoup les médecins – parfois à tort –, cet examen inquiète les patients du fait de sa grande variabilité au cours du temps », pointe le Pr Côme. Pire, dans Prodige 13, cela conduit à plus de réinterventions chirurgicales à visée curative (65,6 % des cas dans le groupe ACE et imagerie standard vs 43,5 % dans le groupe de suivi minimum – pas d’ACE et imagerie standard), sans aucun bénéfice vis-à-vis de la survie globale. Quant au scanner thoraco-abdominopelvien, on pense souvent que la finesse de l’examen densitométrique va apporter un bénéfice aux patients, mais le délai de détection de la récidive n’est pas réduit pour autant, par comparaison au binôme échographie abdominale/radiographie pulmonaire, Ainsi, « les pratiques doivent changer et notre étude justifie la révision – imminente – des recommandations de l’Institut national du cancer (Inca) ».
La surveillance s’appuie désormais sur la clinique au cours de consultations régulières (fatigue, perte pondérale sont parmi les premiers signes d’alerte), sur l’échographie abdominale (le foie est le premier site de récidive à distance du cancer colique) et la radiographie pulmonaire, seconde topographie des récidives. Le rythme de la surveillance est le suivant : tous les trois à quatre mois pendant les trois premières années, période à fort risque de récidive (70-80 % des récidives) puis tous les six mois jusqu’à cinq ans, où le risque est si faible qu’une surveillance systématique devient inutile.
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