O N sait que l'incidence du cancer du sein est bien plus élevée chez les femmes des pays industrialisés que parmi celles qui ont des modes de vie plus traditionnels. On sait aussi que l'apport énergétique, la dépense énergétique et la balance énergétique peuvent influencer la physiologie ovarienne et les taux d'estrogènes ovariens et de progestérone produits au cours du cycle menstruel. Enfin, ces hormones féminines semblent jouer un rôle essentiel dans le développement du cancer du sein. Si bien que l'on s'attend à trouver, parmi les femmes des pays à haut risque de cancer du sein, des taux élevés d'hormones sexuelles.
Les études cliniques ont montré que la restriction énergétique conduit souvent à une suppression des fonctions reproductrices. Cela va de la baisse de la production d'hormones stéroïdes avec cycles anovulatoires jusqu'à l'aménorrhée totale. Dans ce cas, la durée totale d'hormones ovariennes est raccourcie. A l'opposé, quand la nourriture est abondante, les femmes ont fréquemment des cycles caractérisés par de fortes concentrations hormonales.
Dans ce contexte, des chercheurs de Pologne et de Norvège ont eu l'idée de comparer, dans différents pays, l'incidence du cancer du sein, la production de progestérone et l'apport énergétique.
Les cinq pays choisis ont de grandes différences d'incidence de cancer du sein ; aux Etats-Unis, l'incidence est environ huit fois plus élevée qu'en République démocratique du Congo, quatre fois plus élevée qu'en Bolivie et au Népal, et deux fois plus élevée qu'en Pologne.
Progestérone dans la salive
Chez des femmes de ces pays, âgées de 25 à 35 ans, on a prélevé de la salive pendant au moins un cycle menstruel pour y doser la progestérone par radio-immuno-essai. Les concentrations moyennes ont été calculées entre le 5e et le 9e jour précédent le cycle suivant (milieu de phase lutéale) ; ce sont les jours où les taux de progestérone sont les plus élevés.
On a alors analysé les relations entre ces concentrations et l'incidence du cancer du sein dans chaque pays. Résultat : de hautes concentrations de progestérone en milieu de phase lutéale étaient fortement associées à une incidence accrue de cancer du sein : un accroissement du taux de progestérone de moins de 70 % correspondait à une multiplication par 8 du taux de cancer. Ces résultats confirment la relation attendue entre les taux de progestérone et l'incidence du cancer du sein dans ces populations.
Pour ce qui est de l'apport énergétique moyen total, on a utilisé les données de la Food Agriculture Organization ; il est de 7,6 MJ/j au Congo, 9,2 MJ/j en Bolivie, 9,6 MJ/j au Népal, 14 MJ/j en Pologne et de 15,3 MJ/j aux Etats-Unis. Ces valeurs étaient positivement et significativement corrélées aux concentrations de progestérone. « Ainsi, expliquent les auteurs , un faible apport énergétique dans une population est associé à un trouble des fonctions ovariennes chez les femmes. »
« Il y a un lien important entre le risque de cancer du sein et le statut nutritionnel d'une population ; ce lien est médié par la sensibilité ovarienne à l'environnement », estiment-ils.
« Bien que la démonstration de ce lien entre fonction ovarienne et risque de cancer du sein soit basé sur l'étude d'un nombre limité de populations (et, donc, d'importantes covariables, comme l'âge à la puberté, la parité et l'allaitement, n'ont pas été prises en compte), la puissance de la relation suggère qu'il s'agit d'un important phénomène biologique. »
« De plus, puisque la fonction ovarienne dépend du statut nutritionnel, le risque de cancer du sein peut être modifié si une femme change ses habitudes de vie. Une augmentation de l'activité physique et une diminution des apports caloriques peuvent donc conduire à la diminution des concentrations de progestérone et d'estrogènes, aboutissant à une réduction du risque de cancer du sein », concluent les auteurs.
« BMJ » du 10 mars 2001, pp. 586-587 (rubrique « Research Pointers »).
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