L E ministère de la Santé travaille actuellement à l'élaboration du décret précisant les conditions d'utilisation du volet d'informations médicales de la carte à puce individuelle Vitale 2.
D'abord prévue avant l'été, la parution de ce décret pourrait être retardée pour tenir compte du projet de loi de modernisation sanitaire (examiné au printemps par le Parlement), qui traitera notamment du droit d'accès des malades à leur dossier médical.
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et le Conseil national de l'Ordre des médecins doivent rendre un avis public et motivé sur le projet de décret. C'est pourquoi l'Ordre national invite aujourd'hui les médecins, dans son dernier « Bulletin » en date, à lui donner par écrit leurs « remarques et suggestions » sur la conception et la mise en uvre du volet santé de Vitale 2. L'Ordre entend donc appliquer le principe de la démocratie directe après avoir été critiqué sur son projet de fusion de la carte ordinale avec la carte à puce du professionnel de santé (CPS), utilisée pour signer électroniquement des documents informatisés, en particulier les feuilles de soins électroniques télétransmises aux caisses d'assurance-maladie.
Sept zones
L'article 36 de la loi du 27 juillet 1999 (sur la couverture maladie universelle) a déjà précisé les principales caractéristiques du volet santé de la carte individuelle Vitale 2, qui devrait être diffusée progressivement sur tout le territoire à partir de la fin de 2003. Ce volet médical contiendra les « informations nécessaires aux interventions urgentes ainsi que les éléments permettant la continuité et la coordination des soins ».
Le ministère envisage de répartir en sept zones les informations nécessaires en cas d'urgence : identification du patient, nom du médecin traitant, groupe sanguin, antécédents allergiques, affections chroniques, prises de médicaments au long cours et vaccinations. Pour le suivi des soins, le volet santé de la carte Vitale 2 contiendrait des « pointeurs » permettant au praticien habilité de localiser, avec l'accord de son patient, les informations qui lui manquent dans un dossier consultable en ligne depuis son cabinet.
Le Dr André Chassort, secrétaire général adjoint de l'Ordre, est un peu déçu par les dernières propositions ministérielles en la matière : « Pour eux, l'essentiel des informations médicales doit rester intégré à la carte, alors que, pour nous, le contenu de la carte doit surtout servir pour les interventions urgentes », explique-t-il. Il s'agit, pour le Dr Chassort, de « protéger le patient contre lui-même, au cas où il en vient à remettre sa carte à son patron ou à son banquier, pour avoir un prêt, ou à son assureur pour obtenir un contrat ».
Compte tenu du « désir de liberté » des patients, le dossier informatisé du patient ne saurait, selon lui, être centralisé chez son médecin généraliste. Le Dr Chassort propose de « notariser » les informations médicales des patients dans une banque de données de leur choix. Ces organismes seraient des « infomédiaires » : aux Etats-Unis, ces organismes capables de gérer de gigantesques banques de données stockent par exemple des profils-clients tout en empêchant les entreprises de pister sur Internet les consommateurs concernés (grâce aux fameux « cookies » stockés sur leur ordinateur). « Les infomédiaires pourraient conserver les dossiers médicaux à condition d'avoir une certification officielle sur des critères définis par la CNIL, l'Ordre des médecins et les représentants des usagers, souligne le Dr Chassort. Eux seuls sont susceptibles de protéger les données médicales contre les prédateurs que sont l'Etat, l'assurance-maladie ou les entreprises privées - laboratoires pharmaceutiques ou autres ».
Les réticences des généralistes
Le Dr Michel Chassang, président de l'UNOF, premier syndicat de médecins généralistes, n'est pas de cet avis. Pour lui, c'est au généraliste de tenir un « dossier médical unique, mis à jour, synthétisé », même s'il n'est pas exhaustif. Le Dr Chassang se méfie en effet des « Big Brothers qu'on serait amené à créer au détriment de l'intérêt des patients ».
Le Dr Pierre Costes, président de MG-France, estime quant à lui qu'il faut « commencer par quelque chose de simple », avec un volet santé se limitant « aux allergies fondamentales, aux vaccinations antérieures, aux noms des médecins importants pour des pathologies spéciales et aux données sur les traitements en cours ». « Imaginer un lieu unique, centralisé, pérenne, comme solution à l'éclatement actuel du dossier médical relève du pur fantasme », conclut le Dr Costes .
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