Dans le cadre d’une prise en charge thérapeutique

Ce qu’il faut savoir sur les indications des antidépresseurs

Publié le 06/06/2011
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Crédit photo : PHANIE

Recommandations

Les médicaments antidépresseurs ne sont indiqués que dans les dépressions d’intensité moyenne à sévère, conformément aux recommandations de l’AFSSAPS, et uniquement dans les syndromes dépressifs ou anxieux, caractérisés ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas lieu de les prescrire à des patients souffrant seulement de symptômes dépressifs (deuil, par exemple) ou de manifestations anxieuses non invalidantes (par exemple une timidité non intégrée dans une phobie sociale invalidante). Leur utilité thérapeutique (taille d’effet supérieure à 0,20) n’est d’ailleurs manifeste que chez les patients sévèrement déprimés comme l’ont montré plusieurs méta-analyses récentes.

Les critères du choix

Chaque classe d’antidépresseur, et même chaque molécule, présente des avantages et des inconvénients ; le choix de l’une d’entre elles se fera donc sur leurs caractéristiques, en fonction de l’effet attendu pour le patient. Si les tricycliques et les IMAO classiques ont une efficacité probablement inégalée, comme le montrèrent les essais contrôlés de certains antidépresseurs sérotoninergiques versus clomipramine, conduits par le Danish University Antidepressant Group à la fin du siècle dernier, la sévérité de leurs effets secondaires en a fait des médicaments de réserve. Une méta-analyse de ces essais, avait conclu que les ISRS seraient moins efficaces que les tricycliques dans certains sous-groupes de patients. Classiquement, la nature « anxieuse » ou « inhibée » (ralentie) de la symptomatologie dépressive invitait à opter pour un antidépresseur plutôt sédatif ou plutôt « désinhibiteur » mais aucun antidépresseur n’a démontré d’effet psychostimulant même si certains semblent plus anxiolytiques que d’autres.

Rechute ou récidive

S’il n’est pas parfaitement établi qu’un antidépresseur, qui s’est avéré efficace lors d’un accès dépressif antérieur, le sera encore lors d’un nouvel épisode, il convient de préférer un antidépresseur qui a déjà été efficace et surtout bien toléré, ne serait-ce que parce qu’il sera psychologiquement mieux investi par le patient dont, de surcroît, la sensibilité individuelle à tel ou tel produit risque de faire réapparaître des effets indésirables si l’on réintroduit un antidépresseur antérieurement mal supporté. Par ailleurs, l’usage veut que l’on maintienne la même dose que celle à laquelle le patient s’est avéré répondeur, contrairement à une idée ancienne qui recommandait de réduire la posologie de moitié lorsque le patient était en rémission. Les rares études à avoir évalué des doses différentes dans la prévention de récidives confirment ce principe de la « full » dose pour le long terme.

Particularités des sous-types cliniques

Le choix d’un antidépresseur se fait également en fonction du sous-type clinique de dépression :

- la dépression qui se caractérise par une hypersomnie, une boulimie et des manifestations névrotico-anxieuses, est plutôt sensible aux IMAO ;

- le trouble dysthymique n’est par reconnu par l’AFSSAPS comme une indication des antidépresseurs même si plusieurs produits ont démontré leur supériorité par rapport au placebo dans cette indication ;

- la dépression saisonnière est plus sensible à la photothérapie qu’aux antidépresseurs si ce n’est pour la phase d’entretien ou en association à la Luxthérapie ;

- la dépression post-psychotique ou au cours d’un trouble psychotique se traite en associant antidépresseur et antipsychotique, en prenant en compte les possibles interactions médicamenteuses et en surveillant une éventuelle recrudescence délirante ;

- les dépressions comorbides supposent que l’on prenne en compte la nature (addictive, personnalité pathologique, troubles anxieux, maladie organique…) de la pathologie associée qui peut faire l’objet des traitements spécifiques. La complexité des liens entre troubles dépressifs et l’affection comorbide souligne l’importance de sa prise en compte dans le projet de soins ; par exemple, il convient de distinguer, en cas d’alcoolisation pathologique associée à une dépression, s’il s’agit d’une dépression de sevrage, qui peut s’amender spontanément, d’une dépression secondaire à un abus d’alcool ou d’une alcoolodépendance survenue au cours d’un trouble dépressif (alcoolisme secondaire). L’existence d’une pathologie douloureuse invitera à choisir un antidépresseur à qui l’on reconnaît une action antalgique, en cas de trouble anxieux associé on préférera un antidépresseur qui dispose d’une AMM pour le trouble en question, etc.

Particularités liées à l’âge

L’âge du patient déprimé est aussi déterminant dans le choix d’un antidépresseur. La seule molécule bénéficiant d’une AMM chez l’enfant est la fluoxétine (à partir de 8 ans), en association à une prise ne charge psychothérapeutique. Il convient d’être très attentif chez les enfants et les adolescents au risque suicidaire (black box). Chez les sujets âgés, ce sont surtout les interférences médicamenteuses ou les surdosages liés à des causes métaboliques qui doivent être pris en compte. Au-delà de l’effet sur l’humeur, on peut espérer une amélioration des capacités cognitives en cas de détérioration légère des fonctions supérieures ; encore faut-il que les effets secondaires n’obèrent pas le bénéfice thérapeutique attendu.

 Pr FRÉDÉRIC ROUILLON Psychiatre, CMME, hôpital Sainte-Anne, Paris

Source : Le Quotidien du Médecin: 8976