REFERENCE
Erythropoïétine et fer
Les données de la littérature suggèrent qu'une anémie avec hémoglobine entre 9,5 et 11 g/dl mérite aussi d'être corrigée car cette correction s'accompagne d'une amélioration importante des symptômes des patients. L'érythropoïétine permet un maintien ou une augmentation de la concentration en hémoglobine chez la moitié des patients porteurs de tumeurs solides. Du fer est prescrit dès que la saturation de la sidérophiline baisse en dessous de 20 %.
Poumon et ovaire
Parmi les tumeurs solides, les cancers du poumon et de l'ovaire sont ceux exposant le plus à la survenue d'une anémie. Dans ces cancers, le pourcentage de patients transfusés est de plus de 40 %, alors qu'il n'est que de 20 % lors de la prise en charge de cancer du sein.
Le facteur principal prédictif d'un risque transfusionnel en cas de traitement par chimiothérapie est la valeur initiale de l'hémoglobine (inférieure à 12 g/dl) le premier jour de la chimiothérapie.
En l'absence de saignement, de carence ou de trouble endocrinien, d'hémolyse ou d'envahissement médullaire, l'anémie associée au cancer est caractérisée par une durée de vie raccourcie des globules rouges, par une production médullaire en globules rouges insuffisante, par une sécrétion insuffisante d'érythropoïétine, et par une séquestration du fer dans les macrophages.
Eliminer une carence et une hémolyse
Le traitement d'une anémie est d'abord étiologique. Il convient donc de toujours éliminer une carence (martiale essentiellement), une hémolyse (parfois d'origine médicamenteuse).
Transfusion
En cas d'anémie chronique liée au cancer et à son traitement, la transfusion de globules rouges reste à ce jour le seul traitement permettant de corriger rapidement un taux d'hémoglobine mal toléré sur le plan fonctionnel. Une valeur de l'hémoglobine inférieure à 8 g/dl ou une anémie moins sévère mais mal tolérée sont des indications classiques de la transfusion. On estime que malgré les précautions prises, 20 % des transfusions exposent à des effets secondaires de gravité variable (fièvre, frisson, rash cutané, urticaire, infection). Les améliorations techniques des tests de dépistages des virus des hépatites B et C et des virus VIH permettent une meilleure sécurité transfusionnelle vis-à-vis de ces infections, mais le risque de transmission d'une infection dont l'agent n'est à ce jour pas détectable ou pas connu persiste.
Réduction des besoins transfusionnels sous Epo
La prise en charge de l'anémie du patient cancéreux a été remise en cause par la mise à disposition de l' érythropoïétine. Cette substance naturelle, produite majoritairement chez le sujet adulte par les reins, est véhiculée par voie sanguine jusqu'à la moelle osseuse où elle favorise la différenciation terminale des précurseurs érythroïdes et la synthèse de l'hémoglobine. Deux spécialités sont commercialisés en France et disposent d'une AMM en cancérologie : l'érythropoïétine alpha (Eprex[226], Laboratoires Janssen-Cilag), et l'érythropoïétine bêta (Neorecormon[226], Laboratoires Boehringer-Mannheim). L'érythropoïétine s'administre par injection sous-cutanée, trois fois par semaine. Après huit semaines de ce traitement, en l'absence d'élévation de la concentration en hémoglobine, une augmentation de la posologie de l'Epo est recommandée car elle permet encore 10 % de réponse.
Une élévation de l'hémoglobine de 2 g/dl d'hémoglobine est observée dans 40 % des cas en cas de traitement de tumeurs solides, et dans 80 % des cas au cours du myélome. Les patients traités par Epo ont un risque d'être transfusé réduit de 35 %. Cet effet est maximal pour les chimiothérapies contenant un sel de platine (cisplatine ou carboplatine). Le délai d'action de l'Epo est d'au moins quatre semaines ; aussi, la réduction des besoins transfusionnels est souvent tardive.
Qualité de vie et signes fonctionnels de fatigue
Pendant longtemps, le seul traitement des anémies chroniques associées au cancer a été la transfusion. Compte tenu des risques transfusionnels et des stocks limités en produits sanguins, celle-ci n'est prescrite qu'en cas d'anémie sévère (à partir de 7 à 8 g/dl d'hémoglobine) ou en cas de mauvaise tolérance clinique. Le sentiment dominant chez les cliniciens est que, avant une baisse de cette intensité, l'anémie n'a pas de retentissement clinique pour le patient et peut donc être négligée. Les études de qualité de vie montrent pourtant que, en dessous de 12 g/dl, les patients ressentent de la fatigue, ont moins d'énergie, ce qui globalement retentit sur leur qualité de vie appréciée de manière globale. Une anémie modérée (hémoglobine entre 9,5 à 11 g/dl) mérite aussi d'être corrigée car cette correction s'accompagne d'une amélioration importante des symptômes des patients.
Influence de l'Epo sur la réponse au traitement anticancéreux
En revanche, on ne sait pas si l'érythropoïétine peut faciliter l'activité du traitement anticancéreux lui-même en assurant une meilleure oxygénation des tissus tumoraux. Des études sont en cours pour répondre à cette question.
L'érythropoïétine est globalement bien tolérée. Des poussées hypertensives ont été rapportées lors du traitement de l'anémie du patient insuffisant rénal mais n'ont pas été retrouvées lors du traitement de patients cancéreux.
Il est recommandé de surveiller la sidérémie et, le cas échéant, de prescrire du fer en association au traitement par l'Epo. Le fer est l'un des composants de l'hémoglobine et l'on conçoit qu'une carence martiale vraie puisse être un facteur limitant l'action de l'érythropoïétine. Néanmoins, en cas de syndrome inflammatoire, lorsque la ferritinémie est élevée, lorsque les réserves en fer sont élevées, il est légitime de s'interroger sur le bien-fondé d'une telle prescription. Au cours d'un traitement par érythropoïétine, on a clairement montré qu'une baisse de la saturation de la sidérophiline (en dessous de 20 %) était à l'origine d'une perte d'efficacité de l'Epo, alors même que la valeur de la ferritinémie restait normale ou élevée. Il a été montré que la prescription de fer permettait de restaurer l'activité de l'Epo. Ainsi, même en cas de syndrome inflammatoire, lorsque le fer est stocké et non mobilisable, la prescription de fer reste justifiée en association avec l'Epo si le coefficient de saturation de la sidérophiline s'abaisse.
Service de médecine, centre de lutte contre le cancer René-Huguenin, Saint-Cloud.
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