Voici comment j’ai appris cet art. Élève de première année à l’École de médecine de Besançon, je me trouvais, un matin, dans une salle de l’hôpital Saint-Jacques où l’infirmier, porteur de la pièce humide, s’apprêtait à donner un lavement. Désireux de m’instruire, je voulus le voir opérer. Ce ne fut pas du temps perdu. Il coucha le malade sur le côté, au bord du lit, et lui releva très haut la chemise, non seulement derrière, mais aussi devant, ce qui me parut superflu. J’avais tort, comme vous allez voir.
L’infirmier n’avait pas garni la canule avec un petit boyau de poulet, comme cela se faisait au Grand Siècle. Visant bien, au moment de mettre dans le mille, il dit au malade : « Ouvrez la bouche ! » Je me mis à rire. J’avais encore tort.
Tout se passa fort bien et l’opérateur me livra alors ses secrets : il découvrait le ventre pour voir le nombril. « Je pousse, me dit-il, la canule, dans cette voie obscure comme si je voulais la faire sortir par le nombril et j’évite ainsi de buter contre la paroi de l’intestin ; et, en faisant ouvrir la bouche, je supprime toute résistance. »
L’anatomie et la physiologie lui donnaient raison : on ne peut faire aucun effort de résistance quand on a la bouche ouverte. Cette leçon valait mieux qu’un fromage sans doute. Je payai la goutte à l’infirmier. Il but son verre et le mien.
(Dr Bolot [Besançon], « La Chronique médicale », janvier 1930)
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