Le Dr Louis-Auguste Mouret consacrait en 1872 un ouvrage aux croyances populaires en médecine, s’attardant sur ces génies modernes de la publicité qui engrangent des sommes phénoménales en abusant de la crédulité populaire.
« Il est des personnes dans le monde qui possèdent une certaine instruction et qui croient à la science médicale, mais trouvent plus commode de se passer du médecin et de se traiter elles-mêmes. Comme cependant ces personnes ne peuvent pas se rendre aux cours de l’Ecole-de médecine et, surtout, y passer cinq à six ans à écouter les professeurs, elles cherchent ce qui pour elles doit y suppléer. Elles achètent des livres !
Et comme aussi, d’autre part, cette classe de lecteurs est bien connue des médecins, il y en a qui spéculent sur leur ignorance et leur brochent des traités de médecine usuelle. Ces vulgarisateurs font un travail qui ne présente qu’une difficulté : c’est que, pour écrire leurs livres, il faut un solide poignet !
Des spéculations très fructueuses
Il s’agit, en effet, de faire entrer la matière de deux à trois cents volumes dans le cadre d’un in-octavo quelconque. C’est une œuvre qui s’accomplit par la violence et à coups de poing. Il y a des médecins qui font des spéculations très fructueuses avec des traités de ce genre ; ils lancent cela comme d’autres le font pour les médicaments merveilleux, sur l’aile de la réclame, et, bientôt, on voit dans beaucoup de familles, le livre nouveau s’aligne dans la petite bibliothèque à côté de « L’Almanach prophétique», de « La magie blanche » et de « La Cuisine bourgeoise ».
Pour ces livres comme pour tous les orviétans prônés par la publicité, le succès est certain ; la crédulité n’a jamais tenu contre l’annonce réitérée qui vient chaque jour, soit dans votre journal, soit dans un prospectus quotidien, vous vanter quelque chose.
La puissance de l’affiche et de l’annonce est aujourd’hui une force connue dont les folliculaires calculent la portée avec une précision mathématique. Elle croît dans une proportion invariable et plus vous dépensez en annonces, plus les bénéfices vont croissant. Avec dix mille francs, on en gagne cent mille ; avec cent mille francs, on gagne un million ; malgré la prétention à l’esprit et même au bon sens du vieux proverbe gaulois : « A bon vinaigre, pas d’enseigne», le génie a répondu : « Il reste encore assez de naïveté sur cette terre, c’est une mine dont on ne savait pas la puissance, à moi ce tréfonds… Je me charge de votre fortune ; que voulez-vous placer ? Du racabout des Arabes ? – de la fécule au cacao ? – Plus de maux d’estomac,…racabout des Arabes ! Est-ce que les Arabes ont mal à l’estomac ? » (sic). Gain : un million pendant les dix premières années.
Auriez-vous de la farine de lentille et de poids ? Mêlez-moi ça, je me charge du reste ? Revalescière du Barry, plus de médecine, plus de médecins ! Gain : un ou deux millions par an…
Avez-vous découvert un microphyte quelque part dans une humeur ? Supposez-en dans tous les coins ; c’est nouveau…
Aimez-vous la muscade ? On en a mis partout… Lancez-moi le camphre dans un bon gros bouquin… à l’eau sédative. Avec ça, habituez-vous à l’exercice du carrosse, car bientôt vous aurez deux chevaux. Plus d’humeur !
Vomi-Purga : vomi-purga Leroy ! Gain : deux millions par an ! Plus de goutteux… Traitement Bonjean, traitement Laville, vin teinture, mixture, liniment, pilules… Vingt autres, tous supérieurs ! Plus de goutteux… Un million à chacun. Vingt mille francs de récompense à celui qui ramènera un goutteux… Il n’y en a plus ! Et le génie moderne de l’annonce médicale peut ajouter fièrement en se retournant vers son frère de la finance et des affaires : « J’ai enrichi tous les spéculateurs qui ont bien voulu m’honorer de leur confiance ».
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