Une voie vers de nouveaux moyens thérapeutiques

Comment marchent les électrochocs dans la dépression sévère

Publié le 21/03/2012
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Crédit photo : bsip

DE NOTRE CORRESPONDANTE

ON N’A JAMAIS réussi à établir, de façon claire, la nature du dysfonctionnement de l’activité cérébrale dans les aires frontale et limbique chez les patients déprimés. Des travaux récents ont suggéré, toutefois, l’implication d’altérations de la connectivité fonctionnelle à l’étage des réseaux corticaux et cortico-limbiques. Sheline et coll. (2010) ont ainsi enregistré, en IRMf, une activité de repos anormalement élevée, chez des patients déprimés par rapport à des contrôles sains, au niveau de réseaux partageant des relations de connectivité avec une région du cortex pré-frontal dorso-médian dénommé, par ces auteurs, nexus dorsal.

L’étude de la connectivité entre vixels.

C’est cette hypothèse que l’équipe de Christian Schwarzbauer a cherché à vérifier en mesurant, de manière globale, la connectivité fonctionnelle moyenne de chaque voxel* avec tous les autres voxels en IRMf.

Cette méthode a été appliquée chez neuf patients adultes, avant et après traitement par EC. Les auteurs découvrent une connectivité moyenne considérablement réduite, après EC, au niveau d’un foyer de voxels restreint au sein et autour de la région corticale pré-frontale dorso-latérale (DLPFC) gauche. Il existe une diminution significative (p ‹ 0,05) de la connectivité de chacun des voxels de ce foyer latéralisé (à gauche) avec tous les autres voxels cérébraux chez les patients après traitement par les EC.

Les Ecossais réussissent ensuite, en prenant ce foyer comme aire d’intérêt (seed region), à montrer que la réduction de connectivité après EC s’observe, de manière sélective, entre le DLPFC gauche et les aires suivantes : la région contro-latérale (droite) du DLPFC, la zone plus dorsale du cortex pré-frontal médian, le cortex cingulaire antérieur et des portions du gyrus supramarginal gauche, du gyrus angulaire et du cortex somato-sensoriel d’association.

Un processus entièrement cortical.

Il est intéressant de noter que les modifications de la connectivité fonctionnelle par les électrochocs est un phénomène entièrement intra-cortical (en particulier entre le néo-cortex et le cortex limbique), à l’inverse de ce qu’on observe avec les thérapies médicamenteuses des troubles de l’humeur, où les études de connectivité mettent en évidence l’implication des structures limbiques sous-corticales. Ajoutons que les régions corticales intéressées dans cet effet des EC incluent le nexus dorsal mis en cause par l’équipe de Sheline. Ce qui amène Schwarzbauer et coll. à penser que les EC agissent sur la dépression sévère au travers d’une contribution du DLPFC gauche à la correction de la connectivité pathologique de ce nexus.

La confirmation d’un tel mécanisme d’action pourrait conduire à la recherche de moyens thérapeutiques réduisant la contribution de la région corticale pré-frontale dorso-latérale au nexus dorsal sans avoir les effets secondaires sur la cognition. L’exploration d’une telle avenue thérapeutique nécessiterait évidemment des études sur un plus grand nombre de patients, mais aussi un examen des modifications longitudinales (c’est-à-dire dans le temps) de la connectivité.

Ch Schwarzbauer et coll. Electroconvulsive therapy reduces frontal cortical connectivity in severe depressive disorder. Proc Natl Acad Sci USA (2012) Publié en ligne

* Les voxels (volumetric pixels) sont des représentations d’espaces en trois dimensions basées sur le traitement informatique de la mesure du flux sanguin.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9102