FSM, HPST, DPC, CNP…

Comment s’y retrouver

Publié le 28/10/2010
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PAR LES Drs Dr THIERRY HELBERT* ET FRANCK DEVULDER**

ET DIRE que tout semblait réglé… Nous étions alors fin 2008. Les médecins attendaient après 13  ans de tergiversations la mise en place des comités régionaux de formation médicale continue (CR-FMC) qui devaient être la dernière pierre du dispositif de la FMC et de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) obligatoires et créditantes. Rappelez-vous : 1996 et les ordonnances Juppé, la loi du 4 mars 2002 et le code de santé publique d’août 2004. Nous entrions de plain-pied dans l’ère des crédits de FMC qui laissait le monde médical sans voix. Rappelez-vous aussi la loi du 13 août 2004 portant réforme de l’assurance maladie : l’EPP était née, ou presque… En effet, sous l’impulsion de notre ministre, Madame Roselyne Bachelot-Narquin, qui préparait « sa » loi HPST, les conseils régionaux de FMC furent enterrés avant de naître. Exit alors le dispositif de FMC et d’EPP obligatoires et créditantes. Quelques mois plus tard, l’article 59 de la loi HPST jetait les bases d’un nouveau paradigme : le développement professionnel continu (DPC).

Pour faire simple, le DPC se veut être un cercle vertueux inspiré de la roue de Deming (1) mettant en phase la FMC et l’EPP avec une touche d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, une prise en compte des priorités de santé publique et un zeste de maîtrise médicalisée. Dès le 1er janvier 2011, chaque médecin, quel que soit son statut, devra effectuer annuellement une action de DPC. Seules seront financées les actions réalisées sur des thèmes prioritaires. Ces derniers seront fixés par le ministre de la Santé sur proposition de la profession. Cette dernière s’est organisée en conseils nationaux professionnels (CNP). Les CNP de toutes les spécialités (l’hépato-gastroentérologie a le sien) siègent au sein de la fédération des spécialités médicales (FSM). Vingt de ses membres, dont trois généralistes, siégeront au conseil scientifique indépendant en charge de déterminer les thèmes prioritaires, de préciser les conditions d’enregistrement des organismes de DPC, de donner un avis sur les orientations régionales proposées par les Agences régionales de santé (ARS) et de définir les référentiels d’évaluations des programmes. La gestion du DPC sera confiée à l’Organisme Gestionnaire du DPC (OG-DPC) très largement issu de l’Organisme gestionnaire conventionnel (OGC). 2011 sera une année de transition avec des actions de DPC financées par l’OGC et une indemnisation des médecins libéraux pour perte de ressource. Dès 2012, et sous l’impulsion de la CSMF, on verra apparaître les « chèques DPC », chèques virtuels annuels qui permettront à chaque médecin de s’inscrire auprès de l’organisme de son choix pour réaliser son action de DPC. Cela pourrait apparaître comme un détail, mais ces chèques DPC vont rendre le dispositif beaucoup plus équitable qu’aujourd’hui, où près de 90 % du budget de la formation conventionnelle revient à la médecine générale et principalement à deux grandes officines.

Plus compliqué qu’il n’y paraît.

Ainsi résumé, tout semble relativement clair et pourtant… Plusieurs critiques de fond entourent ce nouveau dispositif.

• Une étatisation. La mise en place programmée du DPC dans sa version actuelle accentue la mise sous tutelle ministérielle des médecins libéraux jusque dans l’évaluation de leurs pratiques. Quelle profession accepterait en effet un dispositif d’amélioration des pratiques en étant quasiment exclue de la gestion de ce dernier ? Ainsi les médecins ne pourront occuper qu’un tiers des sièges à l’OG-DPC alors que l’État et la CNAM se partageront les deux autres tiers… Comment accepter l’intégration au DPC de contrats liant des praticiens aux structures de régulation du système de santé comme les ARS ou les CPAM via les CAPI ? Comment pourrait-on accepter que les facultés de médecine et les commissions médicales d’établissement (CME) puissent organiser de façon unilatérale des actions de DPC ? L’indépendance des CME dans les établissements privés – et en particulier ceux aux mains des chaînes de clinique – n’est qu’illusion. Il sera inacceptable qu’au travers d’une telle disposition, on puisse laisser « notre » système d’amélioration des pratiques aux mains des établissements de santé.

• Un objectif galvaudé. Le cercle vertueux FMC-EPP inscrit dans l’article 59 de la loi HPST semble avoir aujourd’hui disparu au profit d’une simple évaluation des pratiques. Le statisticien William Edwards Deming doit se retourner dans sa tombe ! Exit la FMC permettant de parfaire sa connaissance après avoir repéré ses scotomes dans une action d’évaluation de nos pratiques.

• Un manque d’ambition. Les médecins ne peuvent pas, ne doivent pas, accepter un dispositif d’amélioration des pratiques où une action annuelle serait suffisante pour « valider » notre DPC. Cela est insultant. L’immense majorité des médecins se forme et s’évalue. Nous n’avons pas attendu les mesures technocratiques imposées par le ministère pour assurer à nos patients les soins les meilleurs et pour mettre en application le « savoir que faire » afin de « savoir le faire ». Alors qu’il faille aujourd’hui le « faire savoir », cela ne nous choque pas mais pas à n’importe quel prix et certainement pas au travers d’un dispositif « petit bras » à la botte de l’état.

A ce niveau de la réflexion, on pourrait se demander si le DPC ne sera pas un nouveau « grand bluff » et si finalement le DPC n’est pas déjà dépassé !

*Président du SYNMAD, Syndicat national des médecins français spécialistes de l’appareil digestif

**Président du CREGG, Club de réflexion des cabinets de groupe de gastroentérologie

(1) La roue de Deming est une illustration de la méthode de gestion de la qualité dite PDCA (Plan-Do-Check-Act) qui consiste à répéter les quatre phases, Plan, Do, Check et Act, tant que le niveau attendu n’est pas atteint. Selon William Edwards Deming, qui a popularisé le principe dans les années 50, l’idée est de commencer par améliorer ce qu’on sait faire, mais pas encore assez bien, et, ensuite, d’innover. Mais pas l’inverse.


Source : Bilan spécialistes