Pas d’estroprogestatif

Contraception après phlébite

Publié le 14/04/2010
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Crédit photo : BSIP

Les EP contre-indiqués

Les estroprogestatifs sont contre indiqués : l’utilisation d’un EP augmente le risque veineux (particulièrement la première année après introduction de l’EP), quels que soient les produits, même avec la nouvelle génération de pilule contenant un estrogène naturel et quelle que soit la voie d’administration, orale, cutanée par patch ou vaginale par anneau.

Les études avec les estroprogestatifs

Les principales études cas-témoins et les études de cohortes montrent un risque de thrombose veineuse profonde multiplié par 2,7 à 4,5 avec des fourchettes de 3 à 11 dans la littérature. Le risque n’est pas corrélé à la durée de l’administration et peut survenir dès le premier mois ; il paraît discrètement plus élevé en cas d’obésité[1].

L’estrogène est le principal responsable, avec un risque veineux dose-dépendant par le biais de modifications de l’hémostase habituellement modérées du fait d’un équilibre entre les modifications de la coagulation et celles de la fibrinolyse.

Les EP induisent à la fois une hypercoagulation et une hyperfibrinolyse [2]. Ces deux modifications s’équilibrent à peu près chez des patientes en bonne santé dont l’hémostase est normale mais il n’en est sûrement pas de même en cas d’anomalies acquises ou congénitales de l’hémostase, ce qui est souvent le cas chez les patientes victimes d’une phlébite. Le risque sous EP en cas de thrombophilies acquises ou héréditaires est élevé. Ces thrombophilies peuvent être acquises avec présence d’un anticoagulant de type antiphospholipide, ou congénitales avec déficits en antithrombine, protéine C, S, résistance à la protéine C activée avec mutation du facteur V de Leiden, mutation 20210A du gène de la prothrombine. Seules 20 % des patientes développant un épisode thromboembolique sous pilule ont une pathologie de la coagulation, thrombophilie héréditaire surtout dont la plus caractéristique est la mutation Leiden du facteur V. Chez une femme non traitée, porteuse de l’anomalie du facteur V Leiden qui ne prend pas la pilule, le risque est estimé en moyenne à 80 cas p 100 000/an. Le risque relatif de thrombose veineuse sous EP pour une porteuse hétérozygote de cette mutation est de 35 ; il atteint 200 en cas d’homozygotie.

Après phlébite quel qu’en soit son siège, périphérique ou cérébral, a fortiori chez des femmes jeunes sans autre prédisposition qu’une thrombophilie héréditaire et même chez les patientes dont le bilan est resté négatif, il faut savoir contre indiquer les EP, ce qui n’est pas un problème majeur tant l’éventail est grand en moyens contraceptifs. Vouloir transgresser cette recommandation parce que la phlébite est ancienne ou attribuée à une cause évidente temporaire serait une prise de risque injustifiée.

Le risque veineux des progestatifs

Le risque veineux avec progestatifs seuls est beaucoup moins étudié que celui des EP mais globalement il n’existe pas de preuve épidémiologique d’une augmentation du risque lors de l’utilisation par progestatifs seuls en continu à faible dose [3] et il n’y a pas d’effets connus des progestatifs sur les différents paramètres sanguins de la coagulation.

- Dans l’étude dite « transnationale » sur les contraceptifs oraux et la santé des jeunes femmes [in 1] ayant inclus 1 058 cas (Infarctus du myocarde, thromboembolie veineuse (TEV) ou accident vasculaire cérébral) et 3 808 témoins, il n’est retrouvé aucun lien statistiquement significatif entre les maladies cardio-vasculaires prises dans leur ensemble et l’utilisation de progestatifs seuls comparée aux non-utilisatrices de contraceptifs oraux (OR = 0,84 [0,45 -1,58]).

- En revanche, l’utilisation des macroprogestatifs avec un objectif thérapeutique était associée à un surrisque significatif de TEV dans deux de ces études avec des OR = 5,3 [1,5 - 18,7] et OR = 5,9 [1,2 - 30,1]) ; toutefois dans l’étude cas-témoins conduite à l’Hôtel-Dieu par J Conard [4] chez 204 femmes à risque de TEV il n’a pas été observé d’augmentation du risque chez les 102 femmes ayant reçu de l’acétate de chlormadinone (OR : 0,8 ; [0,2-3,9] ).

En pratique, en cas d’antécédent thromboembolique documenté, si une contraception hormonale est souhaitée, il est possible de prescrire une contraception par progestatif seul, type microprogestatif mais « à distance de tout antécédent thromboembolique veineux profond ». On est par contre forcément plus restrictif avec les macroprogestatifs car il est bien stipulé dans le Vidal une CI absolue avec certains produits comme le nomégestrol acétate (Lutényl) : « Accidents thromboemboliques ou antécédents thromboemboliques veineux documentés (phlébite, embolie pulmonaire) » ; et avec la promégestone (Surgestone), une CI relative, « Antécédents thromboemboliques » ; ou encore, « Accidents thromboembolique en évolution », avec l’acétate de chlormadinone (Lutéran) et la médrogestone (Colprone). Selon les recommandations, la pose d’un implant à distance d’un épisode phlébitique est possible mais il convient d’avertir la patiente de la possibilité d’une récidive. Par contre la survenue d’une phlébite chez une patiente porteuse d’un implant doit en justifier le retrait.

Les autres possibilités contraceptives

Place des systèmes intra-utérins (SIU)

Dans une situation où l’on a une légitime réticence vis-à-vis des hormones en général, le stérilet est une réponse de choix.

- La seule réticence pour un SIU au cuivre, notamment en cas de traitement anticoagulant, est la possible augmentation complémentaire du volume des règles ; toutefois chez une patiente qui ne souhaite pas le risque de suspension des règles, fréquent avec le SIU hormonal, il est possible de le poser tout en ayant prévenu la patiente du petit surrisque de ménorragies, de la nécessité parfois d’un traitement visant à diminuer le flux, antiprostaglandine ou antifibrinolytique.

- La seule réticence pour le choix du SIU hormonal serait précisément sa nature hormonale mais nous avons dit qu’il n’y avait guère de risques avec les micropilules dont la dose quotidienne est supérieure aux quantités journalières de LNG résorbées dans l’organisme avec le SIU. Chez les patientes sous anticoagulants, c’est un choix préférentiel du fait du faible volume habituel voire de l’aménorrhée engendrée. Le Vidal indique en contre-indication absolue « thrombophlébite ou embolie évolutive », mais à distance de l’accident il n’y a pas de contre-indication. Le problème est plus difficile lorsqu’une phlébite survient chez une patiente déjà porteuse d’un SIU. Le retrait est alors probablement nécessaire si l’on veut respecter le principe de précaution.

Et les autres méthodes ?

Le problème est le risque de leur inefficacité, supérieure aux méthodes suscitées, or une grossesse serait bien mal venue dans ces circonstances et augmenterait les risques de récidives de TEV. Une stérilisation avec le système Essure peut être un choix intéressant chez les patientes moins jeunes et ayant renoncé à toute fécondité.

Conclusion

Après phlébite, la contraception est préférentiellement mécanique par stérilet ; les estroprogestatifs sont formellement contre-indiquées mais la contraception par progestatif seul est possible, implant et SIU hormonal y compris.

Pas de conflit d’intérêt déclaré

1- Anaes - Afssaps – Inpes. Service des recommandations professionnelles de l’Anaes Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme DEC.2 004

2- Conard J.  Hémostase thrombose veineuse et contraception orale. In : Masson Edit2007 : 140-148

3- Vasilakis C, Jick H, Mar Melero-Montes M. Risk of idiopathic venous thromboembolism in users of progestagens alone. Lancet 1 999 ; 354(9 190):1 610-1.

4-Conard J, Plu-Bureau G, Bahi N et al : Progestogen-only contraception in women at high risk of venous thromboembolism. Contraception 2004 ; 70 : 437

Pr CHRISTIAN QUÉREUX Dr ODILE MAURICE Institut Mère enfant Alix de Champagne CHU 51092 Reims CEDEX

Source : Le Quotidien du Médecin: 8749