Culture de kératinocytes et phagothérapie, la recherche du CTB

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Publié le 12/11/2018
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Culture de kératinocytes

Culture de kératinocytes
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Comment prendre en charge les très grands brûlés sur plus de 70 % de leur surface corporelle ? De tels patients ayant trop peu de peau saine pour procéder à une autogreffe, les médecins doivent se rabattre sur la culture de feuillets à partir des kératinocytes du patient. Problème, le laboratoire Genzyme qui produisait de tels feuillets il y a encore 5 ans a stoppé son activité en Europe en 2013, laissant les patients français dans une impasse thérapeutique.

Une solution pourrait être apportée par les programmes expérimentaux de recherche sur les thérapies cellulaires applicables à la brûlure, conduits par l’unité de thérapie cellulaire et tissulaire de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) voisin du CTB. « Depuis quelques années, nous développons une technique d'ingénierie tissulaire à partir de prélèvement de peau du patient », explique au « Quotidien » le médecin en chef Sébastien.

Avec son équipe, ce chercheur mise sur la culture de kératinocytes sur gel de plasma et la culture de cellules stromales mésenchymateuses (CSM). « On part d'une petite biopsie de peau, détaille-t-il. Avec l'utilisation de plasma coagulé, nous reconstituons un épiderme organisé en plusieurs couches », plus fonctionnel et solide que l'épiderme de Genzyme. « L'important est d'obtenir la partie la plus profonde du derme, celle qui assure une jonction efficace avec l'épiderme », poursuit le médecin en chef Sébastien.

Les tests de toxicité, déjà réalisés, sont concluants. « Toutes nos expériences précliniques en condition GMP (Good Manufacturing Practices, ou bonnes pratiques de fabrication N.D.L.R) sont faites, précise le médecin en chef Sébastien. Nous sommes maintenant prêts à déposer les dossiers de validation préclinique en vue de leur utilisation dans un protocole d'étude au sein du CTB. »

Entre la biopsie et la production de feuillets, il s'écoule 3 semaines. Dans cet intervalle de temps, la peau brûlée du patient est excisée et temporairement remplacée par une peau provenant d'une banque de tissus. « L'intérêt de cette méthode est que les cellules vivantes du donneur vont provoquer une revascularisation de ce qui va constituer le socle de la greffe définitive », conclut le médecin en chef Sébastien.

La phagothérapie contre les résistances bactériennes

La thérapie cellulaire de la brûlure n'est pas le seul axe de recherche développé au CTB. En octobre dernier, le « Lancet Infectious Disease » a publié les résultats de l'étude PhagoBurn, menée sur 26 patients dans 9 centres spécialisés dans les grands brûlés dont le CTB. L'idée était d'évaluer l'utilisation de PP1131, un cocktail de 12 bactériophages, appliqué en solution topique, comparé à la sulfadiazine argentique en crème.

Les résultats sont en demi-teinte puisque les chercheurs ont dû arrêter précocement l'essai pour manque d'efficacité du PP1131. « Nous n'avions pas anticipé un problème de conservation », explique le Dr Patrick Jault, anesthésiste de la Clinique de la Muette, à Paris, et premier auteur de l'étude. Un lot a été produit au début de l'étude et a vu la concentration en phages s'effondrer au fil des patients. « Nous sommes passés de 100 millions de phages à 100 phages par mL voire moins », précise le Dr Jault pour qui cette technique reste très prometteuse : « Malgré des concentrations très faibles, on observait une réduction de la charge bactérienne, bien que très inférieure à celle de l'autre bras. Paradoxalement, il y avait moins de complications en termes de septicémie dans le groupe phage, soulevant la question des propriétés immunomodulatrices des bactériophages. »

Pour l'avenir, les chercheurs envisagent de contourner la mauvaise conservation des phages en proposant des concentrations personnalisées de cocktails contenant 4 à 5 types de phages seulement et produites à la demande.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9701