PMA : les françaises attirées par l’Espagne

Dans les coulisses de la clinique Eugin

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Publié le 03/12/2015
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Crédit photo : COLINE GARRE

La clinique Eugin à Barcelone est aussi rutilante qu’un prospectus de papier glacé. Derrière les murs en verre, teintés des couleurs de la marque violet et blanc, se dévoile un univers épuré aux contours arrondis, agrémenté de machines expresso, écrans plasma et de plantes vertes, qui pourrait se situer en Espagne comme ailleurs.

À l’accueil, à côté d’une coupelle de bonbons est posé un disc blanc, « IVF Witness », pour identifier chaque patient. La clinique s’est dotée il y a trois ans d’un système de sécurisation extrêmement pointu, implanté jusque dans les paillasses des biologistes avec alarme en cas de mésusage d’échantillon de gamètes, explique la directrice médicale, le Dr Valérie Vernaeve.

Après la sécurité, l’autre « obsession » est la confidentialité. Certaines salles d’attente n’accueillent que deux larges fauteuils avec tablette individuelle. Une réponse aux vœux des patients exprimés dans les enquêtes de satisfaction. Côté médical, le standing ne faiblit pas. Eugin possède la technologie dernier cri : cuves sèches abritant 30 000 paillettes sur 3 niveaux, générateurs, lavage de sperme, software pour analyser mobilité et morphologie des spermatozoïdes, incubateurs, microscopes pour l’ICSI, l’IMSI, DPI et DGP, PGS, timelapse, et vitrification. « Depuis 2009, nous n’utilisons plus la décongélation lente, seulement la vitrification », explique le Dr Albert Obradors, responsable du laboratoire. En France, la technique est introduite depuis...2011.

Zéro attente

Les taux de réussite d’Eugin sont excellents. Plus de 11 000 traitements ont été lancés en 2014, dont 5 500 fécondations in vitro. Parmi ces FIV, 3 500 ont été réalisés grâce à des dons d’ovocytes. Aucune pénurie ici : les donneuses, anonymes, volontaires, et dédommagées à hauteur de 1 000 euros, sont à 45,5 % nullipares. « Il y a une vraie culture du don, et nous chouchoutons les donneuses en leur offrant des examens médicaux poussés », explique le Dr Vernaeve.

Les taux de grossesse sont au-delà de la moyenne européenne : 57 % pour les inséminations avec sperme du conjoint (pour les 35-37 ans), et de 65 % avec donneur (pour 3 tentatives). Pour les FIV avec ses propres ovocytes, les taux sont de 71 % de réussite à 34 ans après deux transferts (embryons frais et cryoconservés) et de 11 % à 44 ans.

Les Français représentent 40 % de la patientèle d’Eugin et 50 % des receveuses de don d’ovocytes. « Elles ont en moyenne 41 ans. Elles pourraient être traitées en France mais les listes d’attente sont trop longues », explique le Dr Vernaeve.

Les femmes qui ont recours à une insémination avec don de sperme sont dans 53 % des cas homosexuelles, âgées de 33 ans et à 40 % célibataires, de 37,5 ans, deux catégories exclues de la législation française. Celles qui sont en couple avec un homme ne comptent que pour 7 %.

Suivi des femmes et matching génétique

Les Françaises viennent chercher à Barcelone ce qu’elles ne trouvent pas en France. La clinique ne ménage pas ses efforts pour attirer cette clientèle internationale, avec des praticiens polyglottes, et une ouverture 7 jours sur 7. Dans la mesure du possible, l’équipe de Barcelone travaille avec le médecin traitant. Une fois la grossesse lancée, la parturiente est suivie dans son pays, mais garde un lien avec Eugin. Quatre psychologues sont à l’écoute des patients.

En terme de technologies, Eugin occupe tout le champ des possibles ouvert par la loi espagnole, que ce soit pour les diagnostics préimplantatoires ou l’âge d’une fécondation avec don d’ovocyte (« déconseillé » au-delà de 50 ans en Espagne). L’affluence des dons d’ovocytes permet un appariement très précis, qui peut être complété par un matching génétique. « Toutes nos donneuses sont testées sur 250 maladies génétiques graves. Si l’homme le désire, on peut regarder s’il est porteur sain d’une maladie, et voir s’il y a un "dismatch" avec la donneuse », explique le Dr Vernaeve.

Ouverture vers l’autoconservation

Eugin a lancé en 2011 son programme d’autoconservation ovocytaire : « Timefreeze ». En 3 ans, 324 femmes ont entamé des démarches, 281 ont réalisé une ponction.

Près de 60 % des demandeuses sont françaises. Âgées de 38 ans, elles n’ont pas de partenaires. « À l’étranger, on ne comprend pas pourquoi la société française est contre l’autoconservation », témoigne en cœur l’équipe espagnole.

La clinique s’attend à une croissance exponentielle de la demande. « Entre 2013 et 2014, notre activité a augmenté de 60 % », indique Coralie Samara, responsable du programme. Des travaux sont en cours pour installer de nouvelles cuves. « Nous espérons que les femmes mieux informées vont venir pour une vitrification à 34 ans, et non plus à 38 ans », explique Coralie Samara.

Le coût de l’autoconservation sur 4 ans s’élève à 1 950 euros (puis 250 euros par an). Les traitements d’AMP coûtent de 1 200 euros (pour une insémination avec sperme d’un donneur) jusqu’à 7 000 euros. L’équipe assure voir tous milieux sociaux. Pour un bébé, les gens n’hésitent pas à faire appel à la solidarité familiale ou aux banques, confient les médecins.

Coline Garré

Source : Le Quotidien du Médecin: 9455