Dyslipidémie et anti-PCSK9

De vraies évolutions

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Publié le 05/10/2017
Dr Dievart

Dr Dievart
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« Cette année, deux études présentées à l’ESC viennent expliquer les limites des essais précédents sur les inhibiteurs de la CETP (protéine de transfert des esters de cholestérol), notamment des essais DAL-OUTCOMES (avec le dalcétrapib) et ACCELERATE (avec l’évacétrapib), et remettent le LDL-cholestérol (LDL-C) et l’ApoB au centre des considérations », annonce le Dr François Diévart (cardiologue, Dunkerque).

Dyslipidémie : l’ApoB facteur de risque cardiovasculaire

L’étude REVEAL (1) a inclus 30 449 patients de plus de 50 ans, prétraités par l'atorvastatine, et suivis en moyenne au moins 4 ans. Ils ont été randomisés pour recevoir soit 100 mg/j d'anacetrapib (inhibiteur de la CETP) soit un placebo. Au terme de ce suivi, le taux de non HDL-cholestérol (HDL-C) a été réduit en moyenne de 18 % et celui du HDL-C avait doublé. Il a fallu attendre deux ans pour que l'effet de l'inhibiteur de CETP émerge mais, à 4 ans, le critère primaire qui associait décès coronaires, infarctus du myocarde ou revascularisation a été réduit significativement et de 9 % en valeur relative (10,8 % des patients du groupe anacetrapib vs 11,8 % de ceux du groupe placebo, p = 0,004). « Cette étude prend également acte que le LDL-C, tel qu’il est évalué classiquement en méthode directe ou par calcul selon la formule de Friedewald, est sous-estimé chez les patients traités par la molécule en sus d’une statine. Ainsi, là où on attendait une baisse de LDL-C d’environ 40 %, on observe une baisse de seulement 17 % (en dosant le LDL-C par la méthode de référence, la bêtaquantification), diminution qui elle, est tout à fait corrélée au bénéfice obtenu de 9 %. On a une moindre baisse des particules de LDL nocives qu’attendu mais le résultat constaté est cohérent avec l’effet lipidique obtenu. D’autre part, comme le résultat met du temps à être observé, on peut penser que dans les deux études négatives (DAL-OUTCOMES et ACCELERATE) arrêtées à 26 et 31 mois par manque d’efficacité, un effet aurait pu être observé en attendant un peu… ».

« La seconde étude importante (2) a été une analyse en randomisation mendélienne de patients ayant des variants génétiques devant permettre de prévoir l’effet clinique d’un hypolipémiant. Ainsi, par exemple, il est possible d’avoir la CETP plus ou moins activé, ce qui se traduit par des taux plus ou moins élevés du LDL ou du HDL et l’analyse consiste à évaluer si le risque d’événements CV survenant lors du suivi est proportionnel à une variation d’une unité donnée de LDL ou de HDL. Plus de 100 000 patients ont été inclus dans cette analyse et les variants étudiés ont été ceux de la CETP naturelle, de l’HMG-CoA naturel, de la protéine de Niemann-Pick (simulant l’effet d’un traitement par ézétimibe) et de la PCSK9. Dans cette étude avec plus de 13 000 évènements, pour tous les traitements, à variation égale de LDL, il y a exactement la même diminution du risque cardiovasculaire (CV), sauf chez les patients associant les variants de l’HMG-CoA et de la CETP. En effet, chez ces patients, ce n’est pas la baisse de LDL-C qui est corrélée au pronostic mais la baisse de l’ApoB. Ainsi, chez les patients recevant un inhibiteur de la CETP similaire par extrapolation à ceux ayant donc une CETP à faible fonctionnement, le facteur de risque CV n’est donc pas le LDL-C dosé mais l’ApoB. Par contre, chez les autres patients qui n’ont pas le variant faible activité de la CETP et donc pas cette discordance, il y a une bonne corrélation entre LDL-C dosé et ApoB dosée quel que soit leur variant d’HMG, de Niemann Pick et de PCSK9 ».

« Avec ces 2 études, on comprend donc pourquoi les inhibiteurs de la CETP ont pu avoir des effets surprenants et pourquoi l’étude évaluant l’anacetrapib montre des bénéfices. En effet, la plus longue durée de suivi de l’étude a permis d’attendre la survenue de suffisamment évènements, n’apparaissant qu’au-delà d’un certain délai, car la baisse du LDL toxique de l’ApoB est relativement faible dans l’essai. C’est une grande avancée car on se demandait pourquoi dans l’étude ACCELERATE, avec plus de 1 300 évènements en 2 ans et une baisse de LDL de 37 %, on observait aucun bénéfice. De fait, dans cette étude, l’ApoB n’avait diminué que de 18 % ».

« En somme, avec un certain type de traitement, la variation du LDL basique ne permet pas de prédire l’effet du traitement. En effet, ces traitements font varier le LDL mais pas la partie nocive du LDL, c’est-à-dire les particules transportées par l’ApoB ».

« Cela remet au centre du jeu une hypothèse : ce n’est pas l’ampleur du LDL-C l’important mais la manière dont on fait baisser le LDL-cholestérol. Le mécanisme d’action des molécules s’avère essentiel à considérer pour observer un bénéfice. La variation globale du LDL n’est qu’un des aspects de l’effet de la molécule et il est beaucoup plus intéressant aujourd’hui de faire une corrélation en utilisant l’ApoB. Ces données nouvelles constituent une vraie évolution ».

Anti-PCSK9 : réduire de 50 % le LDL-Cholestérol

« Concernant les anti PCSK9, l’actualité de ce congrès de l’ESC est le suivi à long terme de l’étude ORION (3), qui a évalué un inhibiteur de la synthèse de PCSK9 inhibant l’ARN messager, l’inclisiran ». Cet essai a inclus 501 patients à haut risque cardiovasculaire, déjà traités par statine, et les a randomisés pour recevoir un placebo ou 3 doses différentes d'inclisiran, à raison d'une dose unique ou de deux injections à 90 jours d'intervalle. Les données présentées au congrès, qui portaient sur le suivi à un an, ont confirmé la sécurité d'utilisation de l'inclisiran et ont permis de définir le schéma thérapeutique optimal, qui permet d'obtenir une réduction d'environ 50 % du LDL-C de façon stable : 300 mg à J1 et J90 en traitement initial puis 300 mg tous les 6 mois en traitement d'entretien. « L’énorme avantage est qu’en 2  injections rapprochées, on peut pendant presque 1 an (au moins 6 mois) abaisser le LDL-C de 40 à 50 % en fonction de la dose utilisée. Ainsi, on pourrait envisager qu’une injection sous-cutanée tous les 6 mois permette d’abaisser le LDL-C de façon conséquente. L’intérêt est aussi l’absence de signal de mauvaise tolérance chez les patients évalués. Les résultats encourageants de cette étude ont incité à développer un programme, dont l’essai ORION 4 qui évaluera les évènements CV chez 15 000 patients ».

« En 2018, les résultats de l’étude ODYSSEE OUTCOMES sont attendus afin de savoir si l’alirocumab apporte un bénéfice plus net, notamment en termes de mortalité CV que l’évolocumab évalué dans l’étude FOURIER. L’avantage de l’essai ODYSSEE OUTCOMES est sa plus longue durée qui permet d’espérer un effet sur certains évènements non observés dans l’étude FOURIER (AVC, mortalité CV ou totale) ».

« Cependant, le problème des anti PCSK9 est leur prix. Une récente étude parue dans le JAMA montre que l’évolocumab, n’est pas coût-efficace (selon les résultats de l’essai FOURIER). Il serait excessivement cher par rapport au bénéfice apporté. En effet, le prix du traitement varie, dans les pays d’Europe, entre 400 et 600 euros/mois. En termes de rapport bénéfice/risque, l’infarctus évité revient donc entre 30 000 et 50 000 euros en fonction du prix qui sera attribué à la molécule. Si l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de l’évolocumab est actuellement très restrictive, ceci n’incitera cependant pas les instances réglementaires à accorder une extension d’indication, sauf si le laboratoire en diminue le prix ».

D’après l’interview du Dr François Diévrat, cardiologue à la Clinique de Flandre de Dunkerque
(1) Landray MJ et al. Clinical effects of anacetrapib in people with established vascular disease: Results of the Randomized EValuation of the Effects of Anacetrapib through Lipid-modification (HPS3/TIMI55-REVEAL) trial, présentation orale ESC 2017
(2) Ference BA et al. Association of Genetic Variants Related to CETP Inhibitors and Statins With Lipoprotein Levels and Cardiovascular Risk. JAMA September 12, 2017
(3) Ray KK et al. Impact of a single or two dose regimen of inclisiran, a novel siRNA inhibitor to PCSK9 on time averaged reductions in LDL-C over 1 year. ORION 1, présentation orale ESC 2017

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr