L A campagne pour les élections municipales contient un rare et précieux ingrédient : elle est drôle.
Elle est drôle parce que les sondages qui l'accompagnent annoncent quelques coups de théâtre ou créent des suspenses ; elle est drôle parce que le nombre des candidatures et l'ardeur des candidats démentent ce qu'avait admis la sagesse conventionnelle, à savoir que le métier de maire est le pire qui soit et que, bientôt, on ne trouverait personne pour occuper cette fonction ; elle est drôle parce que les figures nationales, de Philippe Douste-Blazy à Elisabeth Guigou, en passant par Dominique Voynet, risquent d'être battues par leurs rivaux ; elle est drôle parce que les mêmes sondages montrent que les Français sont décidés à voter selon leur humeur, bonne ou mauvaise, et non pas selon les classiques schémas idéologiques ; elles est drôle parce que Raymond Barre, sage d'entre les sages, abandonne ses fonctions de maire de Lyon avec un décorum et un solennel qui ressemblent à une abdication ; elle est drôle parce que la bataille pour la capitale est devenue homérique, surmédiatisée, qu'un ancien ministre et ancien président de l'Assemblée risque d'y laisser sa peau politique, que le débat télévisé avec son adversaire a été considéré par la presse comme un événement de toute première grandeur et qu'il a donné lieu à de très vifs commentaires.
Crottes de chien
De cet affrontement sur Canal+ entre M. Séguin et Bertrand Delanoë, on a tout dit avant et après. On s'est étonné, bien sûr, de ce que la chaîne cryptée ait éliminé les autres candidats, Jean Tiberi et Yves Contassot, sans parler de ceux de l'extrême droite, comme si les élections pour la mairie de Parie ne concernaient que le candidat du RPR et celui du PS. Balayé, le principe d'égalité dans les débats télévisés ! Un peu comme si Canal+ n'avait pas les responsabilités d'une chaîne hertzienne. Quelle importance ? C'est l'audience qui compte. Mais quel dénigrement dans les commentaires ! Propos trop techniques. Discours trop local. Des millions d'auditeurs de tout le pays pour entendre une controverse sur les crottes de chiens qui couvrent les trottoirs de Paris.
Ah ! Mais, c'est que les crottes de chien sont un sujet de société ! Et même de santé publique, si on compte les fractures du col du fémur qu'elles provoquent. Belle occasion de dire à tous les citoyens, et pas seulement aux Parisiens, que s'ils n'imposent pas des règles hygiéniques à leurs toutous, ils devront se charger eux-mêmes de nettoyer la voie publique. Comme à New York.
La crotte de chien est une chose, le chien en est une autre. Car, en deçà des déjections canines (pour reprendre la désignation administrative de ce fléau), il y a l'amour immodéré des Français pour cet animal. Il le mérite bien, lui qui est toujours satisfait du maître qu'il a, et qui lui témoigne son affection en toute circonstance. On admettra qu'un engouement aussi répandu pour le chien ne peut pas être réduit à une dérive sociale. C'est un peu comme l'alcool : les conséquences de la prohibition ont été plus catastrophiques que l'alcoolisme.
Un soupçon de misanthropie
Ne risquons même pas l'idée que les personnes en manque d'affection, veufs ou veuves, personnes isolées et sans famille, célibataires endurcis, ont toujours le loisir de se mettre au service de l'humanité souffrante, à commencer par ces millions d'orphelins du monde qui ne demanderaient pas mieux que d'être adoptés. Certes, le chien est invariablement docile, voilà son grand avantage ; et ce n'est pas le cas de la plupart des enfants qui, étant humains, sont capables de cruauté. Dans le choix du chien par l'homme, il y a, chez le second, une misanthropie dont les justifications sont pléthoriques. Mais enfin, le problème, avec le chien, c'est qu'il ignore l'usage de la salle de bains. Et ce que demande l'électorat sans chiens, ce n'est pas la mort du chien, mais le lavage des trottoirs par son propriétaire.
Car nous ne sommes pas des Roumains. Nous n'envisageons pas, comme la Mairie de Bucarest, la destruction des 200 000 chiens de la capitale roumaine, projet qui a fait accourir Brigitte Bardot : elle a très sérieusement négocié avec le maire le sauvetage de tous les chiens que la SPA pourra prendre en charge. Tout en reconnaissant que, dans un pays pauvre comme la Roumanie, entretenir tant de chiens est hors de prix.
Et les vaches ?
La chère Brigitte, dont les traits bouleversants ont servi (autrefois) à une effigie qui a trôné dans les bureaux des maires de nos 38 000 communes, a donc jeté, à sa façon, un pavé dans la mare des élections municipales. Mais que n'a-t-elle pris aussi la défense de toutes les vaches d'Europe, folles ou non, massivement exterminées et incinérées ? Les chiens, les vaches, les moutons, voilà la grande cause d'aujourd'hui. Crottes de chiens et bouse de vache ne sont pas des crimes qui méritent la solution finale. Qu'est-ce qu'on n'a pas fait aux vaches au nom du principe de précaution ! Et qu'est-ce qu'on ne va pas faire aux chiens au nom du col du fémur !
Vraiment, ces municipales sont drôles.
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