L’épidémie d’obésité et d’insulino-résistance devrait amplifier considérablement le rôle du diabète dans la genèse de l’insuffisance cardiaque (IC). En effet, l’incidence de l’IC est multipliée par 2,4 chez les hommes et par 5 chez les femmes diabétiques dans l’étude de Framingham (après ajustement sur l’âge, l’hypertension artérielle [HTA], l’obésité, les dyslipidémies et la coronaropathie) et par respectivement 2,5 et 2,8 dans deux autres études de cohorte. Ce risque d’IC est en grande partie relié à l’hyperglycémie, une augmentation de 1 % d’hémoglobine A1c étant associée à une majoration de 16 % de l’IC dans l’étude UKPDS (UK Prospective Diabetes Study). L’origine de l’IC au cours du diabète est polyfactorielle. La cardiomyopathie diabétique en fait l’originalité, bien que sa physiopathologie soit complexe et mal élucidée, faisant intervenir des phénomènes de glucotoxicité, de lipotoxicité et de dysfonction mitochondriale. Cependant, l’HTA et la maladie coronarienne, associée souvent à une insuffisance rénale, sont le plus souvent en cause.
Une détection précoce en deux étapes
L’identification précoce des diabétiques à haut risque de développer une IC grâce à l’utilisation des peptides natriurétiques de type B pourrait permettre la mise en place de stratégies de prévention. Dans une étude réalisée à Vienne, une valeur de NT-proBNP > 125 pg/ml identifie les diabétiques à haut risque de décès ou d’hospitalisation pour cause cardiovasculaire après un an de suivi, avec une excellente valeur prédictive négative (98 %) au prix d’une médiocre valeur prédictive positive (13 %) (1). Mené chez 300 diabétiques sans antécédent de maladie cardiaque et présentant un NT-proBNP > 125 pg/ml, l’essai PONTIAC met en évidence, après deux ans de suivi, une diminution de 69 % du risque de décès ou d’hospitalisation pour cause cardiaque avec un traitement par IEC ou ARA2 titrés associés aux bêtabloquants, par rapport à un groupe contrôle non traité (2).
Un dépistage du remodelage et/ou de la dysfonction ventriculaire gauche des patients diabétiques pourrait être proposé en deux étapes : la première biologique par un dosage des peptides natriurétiques (un taux de NT-proBNP ≤ 125 pg/ml arrêtant les investigations) et la deuxième échocardiographique (réservée aux diabétiques dont le taux de NT-proBNP est > 125 pg/ml). Il aboutirait à la mise en route d’un traitement par un bloqueur du système rénine-angiotensine, en cas d’anomalies morphologiques ou fonctionnelles, et à l’utilisation préférentielle des inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2) comme hypoglycémiant.
30% d’hospitalisations en moins avec les inhibiteurs de SGLT2
Chez les patients diabétiques de type 2 en prévention secondaire ou à haut risque cardiovasculaire, les inhibiteurs de SGLT2 (empagliflozine, canagliflozine et dapagliflozine), probablement du fait de leurs propriétés diurétiques, diminuent de 30 % environ le nombre d’hospitalisations pour IC au cours des essais EMPA-REG OUTCOME (3), CANVAS (4) et DECLARE-TIMI58 (5), bénéfice retrouvé aussi bien chez les patients avec ou sans antécédent d’IC. Ainsi, il existe un effet de classe des inhibiteurs de SGLT2 sur la prévention du risque d’hospitalisation pour IC, confirmé par une méta-analyse des trois études, où est retrouvée une diminution de 23 % du risque de décès cardiovasculaires ou d’hospitalisation pour IC (6), associée à une réduction des évènements rénaux. Les effets cardiovasculaires des inhibiteurs de SGLT2 étant largement indépendants de l’abaissement de la glycémie (7), d’autres mécanismes, en sus de l’effet natriurétique lié à une action au niveau du tubule proximal bloquant la balance glomérulo-tubulaire, pourraient expliquer leur bénéfice sur la prévention des hospitalisations pour IC (8). En effet, ils exercent un effet sélectif de déplétion des fluides interstitiels par rapport aux pertes de volume plasmatique les distinguant des diurétiques de l’anse, une action directe au niveau des cardiomyocytes sur l’échangeur Na+/H+ et sur l’expression des marqueurs profibrotiques, ainsi qu’une augmentation de d’ATP par le biais de l’oxydation des corps cétoniques (dont la production hépatique est augmentée), aboutissant à une amélioration de la fonction cardiaque.
Fédération des Services de Cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil
(1) Huelsmann M. et al. Eur Heart 2008;29(18):2259-64
(2) Huelsmann M. et al. J Am Coll Cardiol 2013;62(15):1365-72
(3) Fitchett D. et al. Eur Heart J 2016;37:1526-34
(4) Rådholm K. et al. Circulation 2018;138(5):458-468
(5) Wiviott SD. et al. N Engl J Med 2019;380:347-357
(6) Zelniker TA. et al. Lancet 2019;393(10166):31-39
(7) Roussel R. et al.Diabetes Obes Metab 2018 ;20(2) :238-244
(8) Verma S. et al. Diabetologia 2018 ;61 :2108-2117
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