Benzodiazépines et antidépresseurs

Des actions complémentaires

Publié le 14/09/2009
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LE Pr LLORCA explique la large utilisation des BZD, malgré une quasi-absence de promotion, par leur efficacité rapide sur les symptômes gênants de l’anxiété (démontrée par une large littérature internationale et surtout confirmée par une longue pratique) et aussi par une très bonne tolérance, avec une large fenêtre thérapeutique et l’absence d’interaction médicamenteuse, en dehors des sédatifs du SNC. Les autres molécules à activité anxiolytique rapide apportent des preuves limitées d’activité et ont pour principal avantage une pharmacovigilance plutôt favorable. Le Pr Llorca réserve les neuroleptiques aux anxiétés rebelles, en raison notamment de leurs effets indésirables (prise de poids, dyskinésies tardives). Quant aux carbamates et aux barbituriques, ils sont à proscrire, avec en particulier la toxicité cardiaque des surdosages de carbamates.

Les BZD sont donc incontournables pour la gestion initiale de l’anxiété que celle-ci soit réactionnelle ou intégrée à des troubles plus structurés, d’où l’intérêt de traitements séquentiels. Les psychotropes à mode d’action progressif ne peuvent prétendre à cet effet anxiolytique rapide, à commencer par les antidépresseurs ; a contrario, il ne faut pas avoir peur d’utiliser les ISRS quand on décèle des signes de dépression ou dans des tableaux spécifiques d’anxiété pour lesquels les ISRS ont des indications (TOC, anxiété généralisée), surtout quand des traitements séquentiels non BZD n’ont pas donné les résultats escomptés.

Le bon usage des BZD.

Il reste à bien prescrire les BZD, l’accent devant être mis sur la prescription initiale :

– débuter par les doses les plus faibles possible en les augmentant progressivement, si nécessaire ;

– réévaluer la prescription sans dépasser 4 semaines pour les hypnotiques et 12 semaines pour les anxiolytiques (y compris la période de sevrage) ;

– arrêter progressivement le traitement d’autant plus que ce dernier a été long.

Il ne faut pas associer deux BZD et, bien sûr respecter les contre-indications qu’elles soient absolues (insuffisance respiratoire avancée, apnées du sommeil, myasthénie) ou relatives. Celles-ci nécessitant des précautions d’emploi. Cela s’applique tout particulièrement au sujet âgé, en raison du risque d’accumulation lors des prises répétées : chez les sujets de plus de 65 ans présentant une polypathologie et toujours après 75 ans, on préconise les BZD à demi-vie courte, les BZD à demi-vie longue pouvant être utilisées à demi-dose.

Les difficultés de la prise en charge globale.

Surtout, la prescription de BZD doit s’accompagner d’une bonne information du patient (en particulier, en cas de traitement à la demande qui a le mérite de réduire le risque de dépendance) et d’une prise en charge globale d’une anxiété (relaxation, divers types de psychothérapies). Encore faut-il que ces techniques soient acceptées par les patients et accessibles, ce qui n’est pas le cas partout, déplorent les généralistes, « le non-remboursement étant, de toute façon, rédhibitoire dans la plupart des cas ».

Dépendance : mieux vaut prévenir que guérir.

Le respect de ces règles représente le plus sur moyen de prévenir la dépendance en sachant qu’il existe à ce sujet une grande variabilité individuelle. Le risque est accru chez les personnalités pathologiques, s’il existe des antécédents de dépendance ou d’abus d’alcool ou aux drogues, si l’on observe une tendance à l’augmentation progressive des doses (tolérance qui doit être distinguée de la dépendance psychologique, celle-ci étant liée à l’efficacité même des BZD). A contrario, le risque de dépendance et la sévérité du syndrome de sevrage sont moindres avec les BZD à demi-vie longue ( Lysanxia, Nordaz, Tranxène, Valium).

Quand la dépendance est installée, il est bien difficile d’arrêter le traitement, avouent tous les participants. Si bien qu’ils réservent leurs efforts à des cas bien particuliers : sujets âgés présentant une fatigue prolongée, en cas de troubles mnésiques ou cognitifs ou d’accès confusionnels, en cas de chutes ou de manifestations d’incoordination. Et bien sûr en cas de contre-indication absolue aux BZD (apnées du sommeil, insuffisance respiratoire).

Comment faire ? De manière d’autant plus progressive que le traitement aura été prolongé et/ou à doses importantes (parfois plusieurs mois), en fractionnant les doses, en associant information et soutien, en proposant une alternative thérapeutique, à commencer par une BZD à demi-vie longue qui limite l’effet rebond et l’intensité du sevrage. Les psychothérapies et le recours au spécialiste sont alors plus qu’utiles, avec toujours le même problème d’accessibilité.

* Organisé avec le soutien institutionnel des laboratoires Sigma-Tau.

 Dr ALAIN MARIÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr