L' ETUDE britannique que vient de publier le « Lancet » est sans doute la plus concluante des études menées sur le bénéfice d'un apport suffisant en vitamine C, via l'alimentation. A une élévation de 20 micromol/l de la concentration plasmatique d'acide ascorbique, soit un apport supplémentaire d'une cinquantaine de grammes de fruits et légumes chaque jour, correspondrait en effet une réduction de mortalité de l'ordre de 20 % sur 4 ans, pour des personnes de plus de 45 ans.
Ce résultat est à moitié surprenant. Si l'on estime a priori que la vitamine C est susceptible d'avoir des effets favorables contre les principales maladies chroniques, cardio-vasculaires et les cancers, en particulier en raison de ses propriétés antiradicalaires, les travaux menés jusqu'à présent en prévention restent discutés. Certains n'ont pu mettre en évidence qu'un effet délétère des taux très bas ; d'autres, au contraire, qu'un effet bénéfique des taux très élevés. Et lorsque des relations inverses ont bien été obtenues, elles varient considérablement d'un travail à l'autre. Au total, donc, il se dégage une impression favorable, mais rien de définitif, probablement pour des raisons méthodologiques : études menées uniquement sur des hommes, suivi trop court, pour observer un effet, ou au contraire trop long (12 ans dans l'étude américaine NHANES II) pour pouvoir considérer comme stables les taux d'acide ascorbique, etc.
L'étude britannique, menée sur une population recrutée dans le cadre de l'étude européenne EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition), a finalement permis d'analyser 8 860 hommes et 10 636 femmes, agés de 45 à 79 ans, suivis durant des périodes allant de 2 à 6 ans. Les taux plasmatiques d'acide ascorbique ont permis de définir cinq classes (de 33,2 à 102 micromol/l). Les hommes et les femmes étaient analysés séparément, les taux moyens relevés chez les femmes étant supérieurs à ceux observés chez les hommes.
Une relation inverse avec la mortalité, toutes causes confondues, a donc été retrouvée pour chacun des sexes. Cette relation est continue sur tout le spectre des concentrations d'acide ascorbique et indépendante de l'âge, de la PA systolique, du taux de cholestérol, des habitudes tabagiques, du diabète et de la prise de supplémentations vitaminiques. La pente est par ailleurs importante, puisque le risque, dans le quintile supérieur, est pratiquement deux fois moins élevé que le risque associé au quintile inférieur.
En ce qui concerne les causes de mortalité, la relation inverse se retrouve chez les hommes pour les maladies cardio-vasculaires, les maladies cardio-vasculaires ischémiques, et les cancers. Chez les femmes en revanche, si la relation est bien retrouvée spécifiquement pour les maladies cardio-vasculaires, elle disparaît pour la mortalité par cancer. Pour autant, l'effet préventif de la vitamine C vis-à-vis du cancer n'est pas nécessairement restreint au sexe masculin. Les localisations des cancers étaient en effet différentes d'un sexe à l'autre : cancer du poumon, cancer colo-rectal et cancer de la prostate chez les hommes ; cancer du sein et cancer colo-rectal chez les femmes.
Des répercussions importantes en santé publique
Comme l'indiquent les auteurs, la discordance entre hommes et femmes pourrait donc tenir à un effet « site-spécifique », qu'il n'a pas été possible d'analyser compte tenu du faible nombre de cas concernés.
Quoi qu'il en soit, les auteurs estiment que leurs résultats peuvent déjà avoir des répercussions importantes en santé publique. La relation inverse est continue sur tout le spectre des concentrations, et il ne semble pas exister d'effet de seuil. Autrement dit, tout apport en vitamine C serait bon à prendre. Tout apport alimentaire, s'entend. En indiquant que les essais de supplémentation en vitamine C n'ont pas abouti à des résultats probants, les auteurs soulignent en effet que la vitamine C apportée par l'alimentation n'est pas apportée de manière isolée. Le taux sérique constitue donc aussi un marqueur de l'apport en nutriments tels que potassium, calcium, magnésium, folates, polysaccharides autre que l'amidon, flavonoïdes. En d'autres termes, le bénéfice observé dans l'étude pourrait n'être que partiellement lié à l'effet propre de la vitamine C et refléter davantage l'effet d'un régime alimentaire dans sa globalité.
Pour cerner un peu mieux ce régime, un relevé précis de l'alimentation durant une semaine a été effectué chez 1 896 hommes et femmes participant à l'étude. Le taux d'acide ascorbique plasmatique s'est montré spécifiquement corrélé à l'apport en fruits et légumes, les différences entre apports quotidiens d'un quintile au quintile suivant étant compris entre 20 et 50 g de fruits, et 10 et 20 g de légumes. Une évolution des habitudes alimentaires, qualifiée de « petite et tout à fait faisable », pourrait ainsi être à l'origine de « grands effets » - dans un sens ou dans l'autre, d'ailleurs.
Kay-Tee Khaw et coll. « Lancet » 2001 ; 357: 657-63.
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