Les cryogels dans la régénération tissulaire

Des éponges à mémoire de forme

Publié le 19/11/2012
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DE NOTRE CORRESPONDANT

En termes techniques, la principale différence entre cryogels (obtenus après congélation) et hydrogels est que ces derniers sont composés d’un réseau de polymères hydrophiles, tandis que les premiers possèdent une architecture macroporeuse interconnectée. En pratique, les cryogels possèdent une stabilité mécanique supérieure à celle des hydrogels traditionnels.

L’équipe de D. Mooney a d’abord testé la compressibilité du cryogel d’alginate méthacrylé (MA) : à l’inverse des hydrogels d’alginate nanoporeux, qui sont assez friables, le cryogel d’alginate MA peut subir d’importantes déformations sans perdre ses propriétés mécaniques originales. Les courbes de stress-contrainte indiquent que le cryogel peut subir une contrainte de compression de 90 % ou plus sans souffrir de destruction mécanique, alors que pour les gels nanoporeux, ce seuil est d’environ 16 %. En outre, une fois la contrainte de pression levée, le cryogel retrouve très rapidement (en moins d’une seconde) son architecture originale.

La possibilité d’injecter du cryogel d’alginate, mis en suspension dans 0,2 mL de solution tampon PBS, est attesté par son passage au travers d’une aiguille de diamètre 16-G et un taux de récupération de sa forme initiale de 92 %. Pour tester les propriétés de libération contrôlée de biomacromolécules, du BSA en cryogel a été injecté en sous-cutanée (s.c.) à des souris C57BL/6J. À J3, les cryogels explantés conservent leur taille et leur structure originelles et se sont intégrés dans les tissus de l’hôte. On observe une libération prolongée de BSA due, semble-t-il, à une très lente dégradation de la matrice. Le renouvellement de l’expérience avec un facteur de croissance (GM-CSF) confirme ces observations avec une libération de 80 % du GM-CSF encapsulé en trois jours.

Transplantation cellulaire.

Mais les cryogels peuvent aussi être utilisés pour la transplantation cellulaire, comme en témoigne une nouvelle expérience avec un peptide d’adhésion cellulaire RGD qui, couplé à l’alginate, permet l’adhésion de cellules à la matrice du cryogel. L’injection de ce complexe a peu d’impact sur la libération des cellules (efficacité de rétention cellulaire CRe = 80 %) et sur leur viabilité (92 % ± 3 %).

Des cryogels RGD marqués à la rhodamine, et ensemencés avec des cellules reporter, ont été injectés en s.c. à des souris saines C57BL/6J. Les cellules ainsi transférées se maintiennent dans la zone d’injection pendant deux jours, alors que ce n’est pas le cas de l’injection (contrôle) d’un bolus de cellules libres. En outre, le couplage du peptide d’adhésion RGD au cryogel permet d’obtenir, à J15, la multiplication des cellules greffées.

La technique de délivrance par les cryogels, peu invasive, pourrait connaître des applications dans la mise en place de patchs tissulaires (cardiaques par exemple), où sont requises une taille et une forme spécifiques, dans l’administration de macromolécules (protéines) à libération prolongée, mais aussi dans les thérapies cellulaires, les cryogels bioactifs étant capables de fournir le micro-environnement indispensable à la survie et à la croissance des cellules greffées.

David J. Mooney et coll. Injectable preformed scaffolds with shape-memory properties. Proc Natl Acad Sci USA (2012) Publié en ligne.

 DR BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9191