P OURQUOI le développement de travaux fondamentaux sur les cellules embryonnaires humaines paraît-il urgent ? La question est posée par un groupe d'experts dans un rapport* établi à la demande du ministre de la Recherche et présidé par François Gros, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences.
Tout d'abord, répondent-ils, parce que plusieurs obstacles compliquent l'étude des cellules souches tissulaires adultes, « en l'état actuel de nos connaissances : leur rareté, l'absence de marqueurs connus permettant de les purifier, notre ignorance des conditions de leur multiplication et de leur capacité à intégrer et à exprimer des gènes dans une perspective de thérapie génique ».
Selon eux, c'est dans ce contexte de recherche fondamentale que l'utilisation de cellules embryonnaires revêt toute son importance. « L'urgence, estiment-ils, si l'on ne veut pas prendre un retard considérable dans l'exploitation d'un domaine de recherche qui peut révolutionner l'abord thérapeutique de certaines pathologies (parmi lesquelles les maladies neurodégénératives et les pathologies ostéoarticulaires), est de disposer d'un modèle expérimental techniquement exploitable. Dans cette optique, il est essentiel de pouvoir utiliser les cellules embryonnaires humaines. » Parallèlement, les experts ne sous-estiment pas l'utilisation des cellules souches embryonnaires des primates, qui constituent un modèle plus proche de la physiologie humaine que les souris, « mais qui présentent l'inconvénient majeur de n'être disponibles que pour un petit nombre d'équipes en raison de leur coût ».
Ce nouveau rapport confirme l'orientation choisie par Lionel Jospin, qui prône l'autorisation des recherches sur les cellules embryonnaires dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique (« le Quotidien » du 30 novembre 2000). Si le clonage thérapeutique divise, en France, les instances consultatives (la Commission nationale consultative des droits de l'homme a écarté ce type de recherche, tandis que le Comité consultatif national d'éthique l'a validé, à une petite majorité), le développement des travaux sur les cellules souches embryonnaires est regardé plutôt favorablement, y compris par Jacques Chirac. Ce n'est pas le cas aux Etats-Unis, où le président George W. Bush s'y est récemment déclaré hostile, au grand dam des chercheurs américains.
Une manipulation plus rapide
Selon les experts du rapport, « il serait hautement souhaitable d'avoir recours au modèle des cellules souches embryonnaires humaines multipotentes, dont on sait, à travers la littérature, notamment américaine, que la manipulation est beaucoup plus aisée que celle des cellules souches adultes. L'utilisation de ces cellules est aussi très pertinente sur un plan scientifique : en effet, selon toute vraisemblance, les mécanismes fondamentaux qui contrôlent la programmation et la spécification d'une cellule souche embryonnaire sont proches de ceux qui contrôlent les cellules souches adultes ».
Les experts ajoutent que les données acquises à partir de ce modèle de cellules embryonnaires humaines pourraient se révéler très utiles, par la suite, pour l'analyse des cellules souches adultes. Ils précisent que les perspectives thérapeutiques qu'ouvre le domaine des cellules souches doivent être validées par des travaux de recherche fondamentale en cours et « dont l'accélération est prévisible dans les cinq années qui viennent », soit lorsque le législateur sera censé réviser à nouveau les lois de bioéthique.
* Les cellules souches adultes et leurs potentialités d'utilisation en recherche et en thérapeutique. Comparaison avec les cellules souches embryonnaires. Rapport disponible sur Internet : www.recherche.gouv.fr
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