Il y a des bibliomanes, érotomanes en même temps, dit le Dr Witkowski dans sa si divertissante « Encyclopédie des seins et de l’allaitement », qui ont fait relier certains livres en peau de femme et cette peau était spécialement empruntée aux seins, de sorte que les mamelons formaient sur les plats des écussons caractéristiques.
L’éditeur Liseux affirmait avoir tenu dans ses mains un exemplaire de la fameuse « Justine » , du marquis de Sade, dans une première édition en un volume in-8° (1793) relié de la sorte.
Un passage du « Journal » des Goncourt semblerait confirmer le fait, quelque étrange qu’il paraisse au premier abord : « On me racontait – c’est Edmond de Goncourt qui parle – que des internes avaient été renvoyés de Clamart pour avoir livré de la peau de seins de femmes à un relieur du Faubourg Saint-Honoré, dont la spécialité est d’en faire des reliures de livres obscènes. »
Nous avons découpé aussi ces jours-ci, dans un catalogue de livres d’occasion ce suggestif « numéro » :
Reliure en peau humaine. Sue (Eug.) Les Mystères de Paris, Paris, 1854, 2 tomes, reL en 1 vol. pet. In-4, pleine peau humaine, larges dent. Sur les plats, dent. Inférieure. Fort belle reliure exécutée avec un morceau de peau humaine ; une plaque à l’intérieur, sur la garde de la reliure, ainsi conçue : cette reliure provient de la peau d’une femme et a été travaillée par M. Albéric Boutoille, 1874, qui atteste que cette reliure est bien en peau humaine.
Nous avons eu la bonne (?) fortune de voir l’exemplaire qui, à première vue, ne présente rien de spécial. La reliure ressemble assez à une reliure en maroquin du Levant ; le grain est cependant plus fin, la peau plus lisse au toucher, et cependant la peau humaine donnerait « un cuir très solide, épais et grené », s’il faut en croire la « Halle des cuirs », moniteur du commerce des peaux.
La librairie Chacornac, à qui appartient le volume que nous venons de décrire, nous a fort surpris en nous disant que le livre ne lui avait été demandé, « en communication » que par un seul amateur ; encore celui-ci l’avait-il presque aussitôt renvoyé, sous le prétexte que l’ouvrage, recouvert par la reliure précieuse, était de mince valeur.
Il ne faudrait pas s’imaginer, en effet, que ce sont toujours les livres rares qu’on habille de la sorte : témoin cette note (et nous pourrions en relever bien d’autres) extraite du « Catalogue de la bibliothèque de M. L. Veydt » (Bruxelles, Olivier, 1879, n° 2414) : « Opuscules philosophiques et littéraires », par MM. Suard et Bourlet de Vauxcelles (Paris, Thevet, in-8°). Exemplaire relié en peau humaine, comme l’affirme une note collée contre la gerbe. Cette note porte les mentions de la provenance, du prix de la reliure et du nom du relieur. Vingt francs, Deromme, 1796. Provenant de la bibliothèque de M. de Musset. Acheté le 15 sept. 1832. »
Le M. Musset dont il s’agit est très probablement M. de Musset-Pathay, père du poète. Quant à Suart, c’est sans doute l’honnête et paisible académicien de ce nom…
(La Chronique médicale, 1898)
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