Troubles du rythme

Des résultats prometteurs à l’ESC

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Publié le 05/10/2017
résultats prometteurs

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Crédit photo : Phanie

Cette année, trois études phares présentées à l’ESC ont apporté des résultats positifs dans la prise en charge des troubles du rythme. Parmi celles-ci, l’étude RACE 3 (1) s’est attachée à évaluer l’intérêt d’un traitement d’amont, en plus de la thérapie conventionnelle, dans le maintien du rythme sinusal chez 245 patients présentant une fibrillation atriale (FA) de moins de 5 ans (persistante et mal tolérée) et de l’insuffisance cardiaque (IC).

Essai Race 3 : un meilleur maintien du rythme sinusal avec des traitements d’amont

Randomisés en deux groupes, les patients recevaient dans un bras la stratégie thérapeutique conventionnelle recommandée. Dans l’autre bras, des traitements d’amont (« upstream therapy ») étaient ajoutés : un IEC, un anti-aldostérone, des statines et des mesures hygiénodiététiques, tous sensés avoir un effet protecteur global pour prévenir les rechutes de FA. Le critère principal était le maintien du rythme sinusal évalué par un holter. « Au bout d’un an, on observe 75 % de maintien du rythme sinusal dans le groupe avec traitements d’amont versus 63 % dans le bras conventionnel (p = 0,021). Ce bénéfice en termes de maintien du rythme sinusal est donc significatif. De même, une baisse significativement supérieure du NT-proBNP est observée dans le groupe avec traitements d’amont, par rapport au bras conventionnel », commente le Pr Fauchier.

Étude EMANATE : moins d’AVC sous apixaban

L’essai EMANATE (2) tente de répondre à la question de la faisabilité des cardioversions chez les malades traités par anticoagulants oraux directs (AOD) plutôt qu’antivitamines K (AVK). Cette étude sur l’apixaban a inclus des patients non prétraités par anticoagulants. 1 500 patients étaient randomisés et traités par une anticoagulation traditionnelle de 4 semaines, par apixaban (5 mgx 2/jour) ou par héparine/AVK. Dans le groupe apixaban, la moitié recevait une dose de charge. Une adaptation partielle des doses était également réalisée chez les patients âgés ou de faible poids. « Dans cet essai de non-infériorité, les résultats se sont avérés très satisfaisants », souligne le Pr Fauchier. En effet, significativement moins d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques ont été observés sous apixaban (0 AVC dans le groupe de patients sous apixaban versus 6 sous AVK ; p = 0,0164), avec un nombre similaire de saignements (3 versus 6 saignements majeurs). Il n’y a donc pas de surrisque hémorragique et un peu moins d’accidents cérébraux chez les patients sous AOD. De plus, il n’existait pas de différence apparente avec ou sans dose de charge d’apixaban. « Après les études déjà publiées avec le rivaroxaban et l’edoxaban, cet essai permet de penser qu’au-delà d’un bénéfice pratique et logistique (pas de report d’hospitalisations comme pour les AVK), il existe également un possible bénéfice clinique (moins d’AVC) à l’utilisation des AOD ».

« Il faudrait cependant une étude avec 20 000 patients pour avoir la puissance statistique nécessaire permettant de s’assurer d’un bénéfice en termes d’AVC. Cela ne sera cependant pas réalisable et nous nous en tiendrons probablement à ces études ».

Étude CASTLE-AF : un bénéfice sans précédent

L’étude CASTLE-AF (3) a évalué la procédure d’ablation chez 397 patients avec une FA mal tolérée. Ils avaient également une IC modérée et étaient tous porteurs d’un défibrillateur (avec mémoires afin de suivre la charge en FA au cours de l’essai). 9 patients sur 10 recevaient également de l’amiodarone. Concernant le type de FA en cas d’ablation, il s’agissait d’1/3 de FA paroxystique et 2/3 de FA persistante. Pour la procédure d’ablation, il était recommandé de pratiquer une isolation des veines pulmonaires, sans plus de recommandation. « Si la procédure d’ablation apporte un bénéfice connu en termes de symptômes, de maintien du rythme sinusal et de palpitations, la preuve d’un effet sur la mortalité ou les hospitalisations pour IC n’avait pas été faite avec certitude. L’objectif principal de l’étude était donc d’évaluer ces critères après une procédure d’ablation », explique le Pr Fauchier. Les résultats sont très favorables puisque le critère primaire composite (mortalité toutes causes confondues et hospitalisations pour aggravation d’IC) est diminué de 38 % (28,5 % dans le groupe ablation versus 44,6 % dans le bras contrôle, p = 0,007). Ils montrent également une diminution d’environ 50 % des récidives de FA au long cours. Cette procédure ne fait pas disparaître la FA puisqu’elle persiste sur 25 à 30 % du temps au cours du suivi, mais permet d’obtenir une réduction de 47 % de la mortalité totale, de 44 % des hospitalisations pour aggravation d’IC et de 51 % de la mortalité CV. « Ces résultats sont très prometteurs mais montrent la nécessité de continuer à soigner les patients par anticoagulants car la FA n’a pas disparu. Il ne faut peut-être pas proposer cette procédure à des patients avec une IC trop sévère et une maladie atriale trop avancée pour obtenir un bénéfice. Des bénéfices sur les critères intermédiaires, comme la fraction d’éjection ventriculaire, permettent d’asseoir la logique des résultats. Cet essai est une étape car l’amplitude du bénéfice obtenu est sans précédent. En effet, au regard du risque limité mais incompressible de saignements et d’AVC lié à la procédure, il n’était pas certain que le bénéfice soit aussi marqué au niveau de la mortalité CV ».

D’après l’interview du Pr Laurent Fauchier, service de cardiologie du CHRU de Tours.
(1) Rienstra M. et al. RACE 3 : Risk Factor Driven Upstream Therapy in Early Persistent Atrial Fibrillation, présentation orale ESC 2017
(2) Ezekowitz MD et al. Apixaban versus Heparin/Vitamin K Antagonist in Anticoagulation-naïve Patients with Atrial Fibrillation Scheduled for Cardioversion:
The EMANATE Trial, présentation orale ESC 2017
(3) Marrouche NF et al. Catheter Ablation versus Standard conventional Treatment in patients with LEft ventricular dysfunction and Atrial Fibrillation : The CASTLE-AF trial ; présentation orale ESC 2017

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr