LA SOMBRE affaire de maltraitance dénoncée dans la maison de retraite Les Colombes à Bayonne aura réveillé les consciences et poussé la secrétaire d’État chargée des Aînés à prendre une série de mesures pour lutter contre ce qu’elle appelle « une véritable gifle à notre civilisation elle-même ». « L’heure n’est plus aux atermoiements, aux colloques ou aux groupes de travail », a appuyé Nora Berra, paraissant plus déterminé que jamais.
Elle l’avait annoncé (voir « le Quotidien » spécial seniors du 20 novembre), elle a procédé à un recensement sur tout le territoire national de la situation des établissements qui, parce qu’ils accueillent des personnes dépendantes, auraient dû se conformer aux obligations de médicalisation. Il ressort de cette enquête que deux cents établissements fonctionnent aujourd’hui en toute irrégularité. Une mise en demeure « très ferme » leur sera adressée sans délai afin qu’ils se mettent en conformité. À défaut de réalisation dans les trois mois, ces établissements s’exposeront à une fermeture administrative à compter du 31 mars 2010, a averti la secrétaire d’État, qui souhaite par ailleurs rendre obligatoire, « au besoin par la loi », la publication et la diffusion d’une évaluation « indépendante, sérieuse et lisible pour nos concitoyens » de chacun des établissements susceptibles d’accueillir des personnes âgées dépendantes. Cette mission sera confiée à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services médico-sociaux, dont le rôle sera d’ailleurs amplifié.
Nora Berra demande également qu’un document, « simplifié, unique et lisible », regroupant l’ensemble des instructions sur la prévention et la lutte contre la maltraitance soit diffusé aux conseils généraux, dont relèvent le contrôle technique et le fonctionnement des établissements qu’ils autorisent. Ce document pourrait être diffusé dans le courant de l’année qui vient.
Nora Berra entend aussi créer un « véritable outil local de gestion des signalements », qui serait partagé entre l’État et les conseils généraux (en adaptant le logiciel PRISME). Elle a rappelé l’existence du 39.77, ligne téléphonique ouverte pour recueillir les signalements de maltraitance, qui mériterait d’être mieux connue et renforcée.
Décentralisation des compétences.
Quand la secrétaire d’État déclare vouloir « s’attaquer à ce millefeuille-là », ou à « l’usine à gaz institutionnelle, mal réglée et dont les aînés les plus vulnérables font les frais », elle évoque la mauvaise coordination entre DDASS (Directions départementales des affaires sanitaires et sociales) et services des départements, qui obstrue, en amont, l’action de prévention qui incombe à la DGCCRF (Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) et à la CPAM. Elle propose ainsi d’expérimenter dans quelques départements volontaires une décentralisation étendue des compétences dans le secteur des personnes âgées. « Il ne s’agit ni d’une mesure, ni d’une décision », a-t-elle insisté. Par ailleurs, elle souhaite que le médico-social fasse l’objet d’une « prise en compte adaptée aux enjeux de ce secteur » au sein des prochaines ARS (Agences régionales de santé).
« La maltraitance est aussi une humiliation et une insulte, chaque fois qu’elle survient, pour les centaines de milliers de personnes, professionnelles ou bénévoles, qui, en établissement ou à domicile, s’occupent de nos aînés avec un courage admirable et un dévouement total. » En rendant hommage aux personnes qui accompagnent nos aînés, elle a également pointé le risque pour eux d’une « certaine fragilité psychologique face à des situations pénibles ou vécues douloureusement ». Concernant les professionnels, elle propose qu’un « processus d’aptitude psychologique » soit progressivement mis en place avant chaque recrutement et qu’un module spécifique sur la maltraitance soit par ailleurs dispensé au sein de chaque formation. Pour les aidants familiaux, elle envisage de courtes formations, comme celle qui sera prochainement proposée aux familles des patients Alzheimer.
Concernant le cas précis des Colombes, elle a indiqué qu’un rapport de l’IGAS a révélé notamment un faisceau de présomptions de négligence de la part de la DDASS et des services du conseil général. La directrice de la DDASS des Pyrénées-Atlantiques est convoquée pour les jours qui viennent.
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