Dr Mauril Gaudreault (Collège des médecins du Québec) : « Chez nous, un médecin qui prescrirait de l’homéopathie s’exposerait à des sanctions »

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Publié le 13/04/2019
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Crédit photo : DR

Comment les médecins québécois abordent-ils la pratique de l’homéopathie ? « Le Quotidien » a posé la question au Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec depuis six mois, l’équivalent du Conseil national de l’Ordre français.

Le Dr Gaudreault est très clair sur l'exclusion de cette pratique par ses confrères, pour des raisons déontologiques. Pour autant, le médecin de famille qu’il a été pendant 40 ans souligne l’importance de la pédagogie auprès des patients, en évitant tout paternalisme médical.

LE QUOTIDIEN - Quelle est la position du Collège des médecins du Québec vis-à-vis de l’homéopathie ?

Dr MAURIL GAUDREAULT. Le Collège des médecins ne reconnaît pas l’homéopathie comme un traitement valide. De notre point de vue, les traitements homéopathiques ne sont pas reconnus par la science. En d’autres termes, aucune étude scientifique ne permet de valider l’efficacité des produits homéopathiques sur la santé. Tout au plus peut-on leur reconnaître un effet placebo. Notre code de déontologie est assez strict à ce sujet.

L’homéopathie est interdite par votre code de déontologie, même s’il ne fait pas explicitement référence à cette pratique ?

Les articles 6, 44, 46, 47 et 48 du code de déontologie expriment le fait que le médecin doit exercer selon des principes et des méthodes scientifiques, selon des normes médicales les plus élevés possible, en s’abstenant de faire des actes contraires aux données actuelles de la science médicale. La seule exception concerne une prescription qui se ferait dans le cadre d’un protocole de recherche approuvé par un comité d’éthique. Un médecin qui ne respecterait pas ces règles, qui prescrirait des produits homéopathiques, s’exposerait à des sanctions.

Des médecins québécois ont-ils été déjà sanctionnés ?

À ma connaissance, il n’y a pas eu de sanction. Je ne peux pas vous dire si certains syndics ont déjà enquêté sur des médecins (*) qui n’auraient pas respecté les données de la science actuelle. Ces enquêtes sont confidentielles. Mais cela m’étonnerait.

(*) Au Québec, le syndic est un professionnel indépendant chargé de recevoir les signalements du public, de vérifier les faits et de décider si une plainte doit être portée au conseil de discipline.

Certains confrères ne s’écartent pas de cette règle, juste pour répondre aux attentes (parfois très pressantes) de leurs patients ?

Je ne crois pas que cela soit le cas. Il y a peut-être des médecins qui disent à leurs patients : ”Ce n’est pas la médication que je vous recommande, mais si vous voulez continuer à prendre des produits homéopathiques, c’est votre choix.” Mais de là à faire une prescription en bonne et due forme, non. Cela me surprendrait beaucoup !

Vous avez exercé pendant 40 ans en tant que médecin de famille. Comment abordiez-vous la question avec vos patients ?

À ceux qui prenaient des produits homéopathiques, je ne leur disais pas nécessairement d’arrêter de les prendre. Ce qui m’importait avant tout, c’est qu’ils n’arrêtent pas le traitement que je leur prescrivais. J’ai toujours dit à mes patients ce que la science reconnaissait ou pas médicalement. Que moi, je pratiquais selon les données scientifiques établies. Et qu’il importait pour moi qu’ils sachent que les traitements homéopathiques ne pouvaient pas remplacer ce que je leur prescrivais. Mais au final, c’est au patient de décider ce qu’il prend ! Ce n’est pas à moi de décider pour lui.

Quelle est la place de l’homéopathie au Québec ? Y a-t-il un engouement pour cette pratique dont certains professionnels, non médecins, se réclament ?

C’est difficile de répondre à cette question. Je pense qu’il y a un intérêt de certains patients par rapport à l’homéopathie. Sinon, on n’en trouverait dans les pharmacies ! Mais je rappelle qu’officiellement, l’Ordre des pharmaciens du Québec ne recommande pas l’homéopathie ! Ce que je conseille aux patients qui achètent de tels produits ou qui ont un intérêt pour ces traitements, qui s’interrogent sur leur efficacité, c’est d’en discuter avec leur médecin.

En France, l’homéopathie fait polémique au sein même de la communauté médicale ? Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je suis très surpris. Je savais que certains médecins français en prescrivaient, mais ça me surprend toujours quand je l’entends dire. La science ne reconnaît pas les traitements homéopathiques au Québec… et à ma connaissance, c’est pareil en France !

Propos recueillis par Stéphane Long

Source : lequotidiendumedecin.fr