E N Jamaïque, c'est la forme homozygote de la drépanocytose qui est la plus répandue, représentant environ trois cas pour mille naissances vivantes. Dans ce pays, en dépit d'une mortalité infantile élevée, la plupart des patients vivent pourtant plus de 30 à 40 ans. Afin de déterminer précisément l'impact de cette affection sur la durée de vie, une équipe de chercheurs de Grande-Bretagne et de Jamaïque ont étudié deux populations de sujets porteurs d'une drépanocytose homozygote nés en Jamaïque. Le premier groupe était composé de 3 035 personnes adressées par un hôpital ou leur médecin traitant, entre janvier 1987 et décembre 1996, à l'un des trois centres de l'île exclusivement consacrés au suivi des patients atteints de drépanocytose. En raison du mode de recrutement, ce groupe ne comprenait pas les patients homozygotes pour la maladie, décédés avant le diagnostic. Pourtant, on sait que la mortalité est maximale chez ces sujets entre l'âge de 6 mois et 3 ans. C'est pour minimiser ce biais que les investigateurs ont choisi d'inclure un second groupe de 315 patients qui, eux, avaient subi un test de dépistage néonatal entre 1973 et 1981 (Jamaican Cohort Study).
Au total, l'étude a donc porté sur 3 301 personnes correspondant à un suivi potentiel de 22 357 années. En dépit de l'émigration d'une partie de la population suivie, seuls 7 % des patients ont été perdus de vue. Au total, 290 malades sont morts au cours du suivi.
« En comparaison avec l'espérance de vie en Jamaïque en 1991 (71,4 ans pour les hommes et 75,8 ans pour les femmes), le fait d'être atteint d'une drépanocytose homozygote diminue la durée de vie de 14 à 22 ans pour les hommes et 8 à 21 ans pour les femmes », expliquent les auteurs. Aucune différence statistique en termes de mortalité n'a été notée entre les deux sexes. Néanmoins, les investigateurs soulignent, sans pouvoir l'expliquer, que les décès infantiles sont plus élevés dans le sexe féminin et que l'âge auquel les femmes sont adressées à des centres de suivi spécifique de la drépanocytose est plus tardif que celui des hommes atteints de la même affection. « Les résultats obtenus en Jamaïque sont similaires à ceux d'un essai mis en place aux Etats-Unis entre 1978 et 1988 sur 2 412 patients. Les investigateurs avaient alors estimé que l'espérance de vie des homozygotes pour la drépanocytose était de 42 ans dans le sexe masculin et de 48 ans chez les femmes », concluent les auteurs.
« The Lancet » du 3 mars 2001, vol. 357, pp. 680-683.
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