« Élire des femmes simplement pour avoir des femmes… », le scepticisme d’un ordinal sur la parité aux élections

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Publié le 24/02/2018
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Crédit photo : S. Toubon

Petite révolution à l’Ordre des médecins. Pour la première fois, les candidats aux élections départementales doivent se soumettre à des règles de parité et de limite d’âge (moins de 71 ans révolus). Le Conseil national y voit l’occasion d’un « profond renouvellement » de l’institution.

Le Dr Jean-Marie Letzelter ne le conteste pas. Mais le président de l’Ordre départemental du Bas-Rhin émet des doutes sur l’« utilité » et l’« efficacité » de ces mesures. Dans un éditorial publié au mois de décembre dans le bulletin de l’Ordre départemental (voir ci-dessous), il ironise sur l’introduction de ces mesures. « Chacun connaît des octogénaires brillantissimes et des trentenaires au cerveau limacien », écrit le généraliste âgé de 69 ans. « Quant à la question de la parité, […] encore faudrait-il que nos consœurs soient suffisamment nombreuses à vouloir investir de leur temps précieux au détriment de leurs obligations professionnelles et familiales », poursuit le Dr Letzelter. Propos sexistes ? Le médecin défend son point de vue dans un entretien au « Quotidien ».

LE QUOTIDIEN – Vous n’êtes pas convaincu par la limite d’âge (71 ans révolus) imposée aux candidats aux élections départementales de l’Ordre. Pour quelle raison ?
Dr JEAN-MARIE LETZELTER – Cette mesure me gêne sur le principe, parce je trouve que ce critère d’âge est moins important que d’autres, comme la compétence ou la disponibilité. C’est un peu dommage de se priver de l’expérience de certains confrères. Au Conseil national, il y a des collègues qui approchent les 80 ans, ce qui ne les empêche pas d’être brillants et compétents dans leur domaine. Ceci dit, en pratique, cette limite d’âge n’est pas très contraignante. Très peu d’ordinaux sont concernés. Aucun dans le Bas-Rhin. Moi-même, j’ai 69 ans ans et je n’ai pas l’intention de briguer un nouveau mandat, même si j’en avais la possibilité.

Vous n’êtes pas plus favorable à la mesure de parité homme/femme…
Je n’ai rien contre la présence des femmes au sein des conseils, bien au contraire. Dans le Bas-Rhin, sur les 21 membres, 6 sont des femmes. C’est déjà une bonne proportion, et je ne demanderais pas mieux qu’elles soient plus nombreuses. Je ne mets pas du tout en doute leurs compétences, y compris en matière ordinale. Le problème, c’est que, dans certains départements, on a beaucoup de difficultés à trouver des candidates prêtes à s’investir à l’Ordre parce qu’elles ont, en plus de leurs occupations professionnelles, des responsabilités familiales, des enfants à élever…

Parce que les hommes n’ont pas de responsabilités familiales ni d’enfants à élever ? C’est un peu sexiste, non ?
C’est peut-être ce que certains penseront, mais je le réfute. La plupart des femmes avec qui j’en ai parlé n’y ont pas vu de sexisme. Elles reconnaissent que c’est la réalité de la situation. Je peux vous donner l’exemple du Bas-Rhin. Les élections auront lieu en avril. Pour trouver cinq candidates, j’ai dû passer une bonne quinzaine coups de fil à des collègues féminines que je connais et la plupart m’ont répondu : « C’est bien gentil d’avoir pensé à moi, mais tu comprends, je n’ai pas le temps… je ne peux pas… j’ai mes enfants… mon travail. »

Justement, l’idée de cette mesure est de changer les mentalités et de sortir de ce cercle vicieux ?
Élire des femmes pour élire des femmes… Je crois de toute manière que la la parité va se faire naturellement, sans qu’on ait à forcer les choses. On sait très bien qu’actuellement, sur trois médecins formés, il y a deux femmes. C’est le cas dans ma région. Du fait de la féminisation rapide de la profession, cette mesure de parité permettra peut-être, dans 10 ou 15 ans, de préserver la présence des hommes au sein des conseils !

Qu’ont pensé vos consœurs et vos confrères de votre tribune ?
J’ai eu plusieurs retours positifs. Au sein de mon conseil, une nette majorité trouve que cela reflète la réalité. Une seule consœur a été négative et a estimé que le texte était une forme de discrimination. Mais on ne peut pas plaire à tout le monde ! J’ai donné mon point de vue avec un ton qui se voulait humoristique. Ça ne veut pas dire que j’ai raison. C’est cela le débat !


Source : lequotidiendumedecin.fr