Dans le service Fertilité de l'hôpital Saint-Pierre de Bruxelles

En Belgique, l'AMP et la GPA, sans tabou ni polémique

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Publié le 30/04/2018
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belgique PMA

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Crédit photo : Benjamin Leclercq

Nouveau labo, nouvelle salle d'opération et machines dernier cri : le service Fertilité de l'hôpital Saint-Pierre de Bruxelles est flambant neuf. Pourtant, malgré les apparences, le lieu est historique. C'est là, au cœur du quartier populaire des Marolles, qu'a eu lieu la toute première fécondation in vitro (FIV) de Belgique francophone, en 1983. Là, aussi, que depuis des décennies, que les femmes bénéficient d'une assistance médicale à la procréation (AMP, ou PMA en Belgique) et qu'on pratique la gestation pour autrui (GPA).

Le service, rénové en 2017, emploie cinq infirmières, autant de biologistes et de médecins, ainsi qu'une psychologue, un psychiatre et quatre secrétaires. Chaque année, environ 800 FIV et 900 inséminations y sont réalisées. Couples hétérosexuels, couples de femmes, femmes célibataires : l'équipe accueille tous les patients, sans discrimination d'orientation sexuelle ou d'état civil.

AMP pour toutes : le libre choix des centres

Longtemps, l'AMP n'a pas été encadrée en Belgique. Au service Fertilité de Saint-Pierre, qui dispose d'une banque de sperme, les premières demandes de la part de femmes célibataires sont arrivées dans les années 1980. Sans tabou, l'équipe s'est alors posé la question, a réfléchi, et leur a finalement dit oui. Puis vinrent les premiers couples de femmes. Discussions, réflexion, et même conclusion : c'est oui. Il faudra attendre le 6 juillet 2007 pour que la « loi relative à la procréation médicalement assistée et à la destination des embryons surnuméraires et des gamètes » codifie, enfin, l'AMP en Belgique. La loi garantit désormais l'accès à l'AMP à toutes les femmes.

Le texte, au vocabulaire volontairement inclusif, définit « l'auteur du projet parental » comme « toute personne ayant pris la décision de devenir parent par le biais d'une procréation médicalement assistée, qu'elle soit effectuée ou non au départ de ses propres gamètes ou embryons ». Le texte « a fait l'objet de consultations et de débats, certes, mais n'a provoqué aucune vague à l'époque », se souvient la Dre Candice Autin, cheffe du service Fertilité de Saint-Pierre. « C'est une très bonne loi, juge-t-elle, et qui ne force personne. » Le texte laisse en effet aux 18 centres d'AMP du pays le choix d'accepter ou non la prise en charge des femmes lesbiennes et des célibataires. Les Cliniques universitaires Saint-Luc, autre hôpital bruxellois, s'y refusent par exemple.

GPA, pas autorisée… mais pas interdite

Quant à la GPA, la loi n'existe pas. Concrètement, elle n'est donc pas autorisée… mais pas interdite non plus. Le CHU Saint-Pierre la pratique depuis 1997 (25 bébés sont nés). Seule condition : la mère porteuse porte l'enfant, c'est tout ; la fécondation n'implique pas ses ovules, elle n'est pas la mère biologique. En 2016, le tout premier couple d'hommes s'est présenté, accompagné de deux femmes (des collègues) : l'une pour le don d'ovocytes, l'autre pour porter l'enfant. La cheffe de service s'est donnée le temps de la réflexion. « J'ai mené un petit sondage en interne, discuté avec tout le monde : l'équipe se sentait prête », explique-t-elle. Les deux messieurs seront bientôt papas.

À Saint-Pierre, AMP et GPA ne se réduisent pas à un simple oui. L'équipe pratique depuis toujours « l'écoute à quatre oreilles ». Chaque patient discute ainsi de son projet avec une psychologue et un médecin. « C'est un principe auquel nous tenons beaucoup, explique la Dre Candice Autin. Le but est d'aborder les spécificités du projet parental, et de poser des questions délicates mais très concrètes, et essentielles : que se passera-t-il en cas de décès, ou de séparation ; si c'est un couple de femmes, comment gère-t-on la fête des pères à l'école ou l'anonymat du donneur (garanti par la loi), etc. ». C'est ensuite l'équipe dans son ensemble (biologistes, infirmières, psy et médecins) qui valide collégialement la demande. « Il nous arrive de refuser. Par exemple, en cas de maladie mentale non stabilisée, de risque médical ou d'instabilité du couple », souligne la cheffe de service.

Les patientes françaises

Les patientes françaises, fuyant l'interdit en France, sont nombreuses à Saint-Pierre. « Elles représentent environ 50 % des inséminations impliquant un don de sperme ; et 50 % des GPA », note Candice Autin. Si cette patientèle étrangère ne la dérange pas, elle regrette en revanche la « discrimination » qu'implique une telle prise en charge transfrontalière pour les intéressées : « Une FIV coûte ici environ 3 000 euros (elle est remboursée aux patients belges). Seuls les Français qui ont les moyens y ont accès. »

De notre correspondant Benjamin Leclercq

Source : Le Quotidien du médecin: 9661