« Il y a cent ans, les États-Unis étaient un pays largement marqué par la ségrégation raciale, la discrimination et le lynchage », constate Joann Buckley.
On estime qu’à l’époque il y avait 1 500 médecins afro-américains. Ils avaient réussi à obtenir une éducation et une formation supérieures dans un contexte extrêmement défavorable à leur égard. Néanmoins, ils ont répondu à l’appel de leur pays et ont quitté leurs cabinets pour fournir des soins à leurs compatriotes dans l’armée. Près de quatre vingt-dix d’entre eux ont été envoyés dans les zones de combat en France, dont sept sous commande militaire française dans des services d’ambulance, des hôpitaux de campagne et des détachements sanitaires sur le front. « C’est extraordinaire qu’ils se soient portés volontaires », souligne Joann Buckley au « Quotidien ».
Parti pour la France en mars 1918
L’un de ces médecins, le lieutenant (LTN) Urbane F. Bass, était diplômé de l’école de médecine Leonard, de l’université Shaw à Raleigh, en Caroline du Nord, la plus ancienne université noire du sud. Il a quitté volontairement sa famille et son cabinet en Virginie et est parti pour la France en mars 1918. Il a été affecté à la 93e division d’infanterie américaine. Les régiments de la 93e division, ont alors été cédés à l’armée française pour renforcer des effectifs décimés. Le Dr Bass a été blessé et est mort près de Monthois, dans les Ardennes, en octobre 1918 alors que, selon le témoignage de J.B. Morris, il « soignait frénétiquement des soldats blessés à un poste de secours avancé, sous les tirs allemands ». Il a reçu une décoration américaine : la Distinguished Service Cross (DSC) de manière posthume.
Le LTN Claudius Ballard, a étudié la médecine à l’université de Californie, à Berkeley. Un des rares conscrits, Il s’est aussi distingué dans son rôle auprès de l’armée française. Il a reçu la Croix de guerre (française) pour avoir continué à soigner les blessés à un poste de secours avancé alors qu’il était lui-même blessé. Un autre engagé volontaire, le LTN Thomas E Jones a étudié la médecine à l’université Howard à Washington. En France, il a servi avec la 92e division sous commande américaine. Il a été promu capitaine pour avoir soigné des blessés dans une zone exposée au feu au cours de la campagne Meuse. Dans une société ségrégationniste qui avait peur d’armer la minorité Noire, pourquoi ces hommes se sont-ils engagés dans l’Armée, s’interroge Joann Buckley : « Ils pensaient qu’ils seraient reconnus pour leur service. Ils pensaient que tous les hommes noirs en bénéficieraient. Mais rien n’a changé après la guerre. Cependant, un grand nombre de ces hommes sont devenus des leaders dans leurs communautés, dans des organisations (de défense des droits civils) comme la NAACP** qui ont rendu possible l’égalité raciale (grâce à la loi passée en 1964). »
* African American Doctors of World War I, McFarland & Company, Inc.
** National Association for the Advancement of Colored People : Association nationale pour l’avancement des personnes de couleur. Fondée en 1909, c’est l’organisation de base de défense des droits civils la plus ancienne et la plus importante des États-Unis.
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