« Pline l’Ancien reprochait aux médecins « de ne signaler leurs expériences que par des homicides ».
Au Moyen âge, Pétrarque et Erasme (qui était atteint de la goutte) n’ont épargné aucune de leurs épigrammes à la médecine.
Montaigne, dès qu’il parlait de la médecine devenait affirmatif, ironique, sarcastique. Souffrant de gravelle, il allait tous les ans aux eaux, soit en Ardèche, soit dans les Pyrénées, et sa confiance dans les remèdes était telle qu’il recueillait pendant ses voyages toutes les recettes, en bourrait ses poches, et, rentré chez lui, en recommandait l’emploi comme très utile ; il en avait pour tous les maux.
Rousseau attaquait la médecine mais lui faisait des empreints journaliers
Rousseau, l’ennemi des médecins attendait tout de la nature. Il avait une cystite et donnait des conseils à tout le monde. Comme Montaigne, il attaquait la médecine mais il lui faisait des emprunts journaliers…
Mais tous, même les plus forts, malgré leurs mordantes épigrammes sont venus à résipiscence. Vienne la maladie, ils se jettent, courbant la tête, dans les bras de la médecine.
Fort heureusement la science a marché à pas de géant depuis le XVIIIe siècle. Ainsi le chloroforme a supprimé la douleur et le chloral l’insomnie. La vaccine a supprimé la variole. Peut-être va-t-on supprimer la rage (ndlr : rappelons que cette thèse date de 1882). Citons encore les alcaloïdes, l’électrisation localisée, l’écrasement linéaire, la résection sous-périostée, les réactifs chimiques auxiliaires du diagnostic, tous ces procédés d’investigation qui ont fait dire au Dr Pidoux qu’on « est arrivé à faire l’autopsie d’un malade dans son lit ».
Et, fait digne de remarque, tandis que le médecin d’autrefois qui ne s’éclairait qu’au falot des vieux livres de dialectique et n’interrogeait pas le corps humain, osait à peine intervenir dans les cas périlleux, dédaignait la chirurgie et l’abandonnait à des mains subalternes, le médecin de nos jours tend à se confondre de plus en plus avec le chirurgien et n’est médecin utile que lorsqu’il peut porter la main sur des organes en souffrance.
Malades impies et patients fanatiques
À côté des impies, nous trouvons les fanatiques : les uns n’ont aucune confiance, mal leur en prend quelquefois ; les autres en ont trop, mal leur en prend trop souvent…
Tandis que les mécréants repoussent le remède disant : « Il n’en existe pas, la maladie est un billet de loterie ; si je dois mourir, rien ne m’en empêchera, la nature préside seule à nos destinées », les fanatiques veulent un remède à tout prix : « Il y a une maladie et la nature à fait un remède pour la combattre ».
À côté de l’inertie des premiers, nous voyons la cohue des seconds, véritable torrent qui roule jusqu’à la porte des pharmacies, toujours largement ouvertes, le torrent allant se perdre dans les officines occultes des marchands d’orvietan et de panacées ou dans les boutiques d’herboriste.
Il arrive alors pour les masses populaires, et ici nous entendons par public tout le monde, depuis le membre de l’Institut jusqu’au casseur de cailloux de nos routes que, voyant, le médecin se tenir sur sa réserve, réfléchir, hésiter, marcher avec prudence, on l’accuse d’ignorance et de timidité…
Quant à l’utilité de la médecine, l’homme souffrant sait bien à quoi s’en tenir. « On dit qu’à Rome, pendant une très longue période, les peuples se passèrent de médecins. On ne saurait mieux dire que cet homme d’esprit à qui on demandait comment on faisait à Rome pendant les cinq cents ans où la médecine y fut inconnue, et qui répondit : « A Rome, quand on avait la fièvre putride, la pierre, une hernie, une fluxion de poitrine, la fièvre palustre… on mourait ».
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