La fièvre est le premier motif de consultation en pédiatrie (soins primaires et urgences) et représente 11 % des consultations du nourrisson de moins de trois mois accueillis en service d’accueil d’urgence pédiatrique. « Selon une étude de 2022, signale le Dr Camille Aupiais (hôpital Jean-Verdier, Bondy), les infections bactériennes sévères (IBS) et les infections bactériennes invasives (IBI) concernaient 12,6 % et 4,5 % des nourrissons fébriles de moins de trois mois hospitalisés ».
Comment déceler ces infections sans surmédicaliser, lorsque le nourrisson présente une fièvre isolée ? Le challenge est de taille, l’examen clinique étant volontiers difficile avec des signes aspécifiques et parfois trompeurs, y compris pour les médecins seniors, d’autant que les enfants sont souvent vus précocement (21 % consultent dans les six heures après le début de la fièvre). Devant un nourrisson de moins de trois mois fébrile, avec une fièvre isolée, faut-il procéder à un bilan complet incluant radiographie de thorax et ponction lombaire ? Faut-il tous les hospitaliser, leur administrer systématiquement une antibiothérapie IV ?
Pour tenter de faire la part des choses, de nombreux scores ou règles de décision clinique (Lab Score, Step by Step, Pecarn, etc.) ont été mis au point, tous perfectibles. La recherche de biomarqueurs prédictifs d’une IBS a été et est toujours florissante, avec l’arrivée il y a déjà de nombreuses années de la CRP et de la procalcitonine (PCT), inclues dans la majorité des scores prédictifs, ce qui a permis d’améliorer considérablement le diagnostic.
Néanmoins, la marge d’amélioration vis-à-vis des sensibilités et spécificités des marqueurs est importante. D’où la poursuite des recherches, avec par exemple des marqueurs de surface cellulaire en réponse à l’infection bactérienne, des protéines des infections virales et même des marqueurs combinés sous forme de tests rapides. Une autre perspective prometteuse est l’analyse du transcriptome de l’hôte en réponse à une infection virale et bactérienne sous forme de puces à ADN.
En attendant, des algorithmes plus performants sont nécessaires. À cette fin, le CHU de Nantes a conçu Diafever Child, ciblant les jeunes enfants admis aux urgences pour une fièvre sans point d’appel. « Il s’agit d’une règle de décision clinique, basée en premier lieu sur l’âge de l’enfant, qui impacte le plus la probabilité d’infection (< 1 mois ; 1-3 mois ; > 3 mois) », détaille le Pr Christèle Gras-Le Guen (CHU de Nantes).
Le second paramètre est l’impression du médecin et la prise en compte de signes cliniques inquiétants comme une couleur anormale de la peau, une déshydratation, des pleurs inhabituels, une respiration rapide, une léthargie et a fortiori une fièvre supérieure à 40 °C, une cyanose et des pétéchies. « Car il est impossible de prédire une infection uniquement à partir de données biologiques, souligne le Pr Gras-Le Guen, et c’est ce qui a fait défaut dans plusieurs règles de décision, en particulier le Lab Score ».
Viennent ensuite les paramètres biologiques (leucocyturie, PCR et PCT mesurée via un test rapide au lit du patient). En fonction de ces éléments, l’algorithme oriente soit vers une surveillance hospitalière et la répétition du dosage de PCT, soit vers la prise en charge habituelle (ponction lombaire et antibiotiques).
Selon les premiers résultats concluants de l’étude randomisée Diafever Child, présentée au congrès, « la supériorité de l’algorithme Diafever est démontrée pour la prédiction d’une infection bactérienne sévère et invasive (méningite et septicémie), annonce le Pr Gras-Le Guen. Il permet en outre de limiter les examens et les hospitalisations et de réduire l’exposition aux antibiotiques. Son utilisation n’est pas associée à une prise de risque pour l’enfant dans cette étude ».
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