George Eliot, la grande romancière anglaise du XIXe siècle doit-elle être présentée « comme une conservatrice de progrès, un type humain que les Français ont le plus grand mal à admirer », selon la formule ciselée de Mona Ozouf qui conclut ainsi la présentation de Middlemarch, reconnu comme le chef d'oeuvre de l'auteure et de la littérature victorienne ? A l'évidence, l'univers de ses romans ne plonge pas dans celui des Misérables ou de son exact contemporain et rival Charles Dickens. Les personnages appartiennent à la middle class, à la petite noblesse. Ses héroïnes ne sont pas des suffragettes. Et les vertus que l'on prête aux femmes depuis la nuit des temps n'ont pas dans ses romans vocation à disparaître dans la roue de l'histoire. En dépit de cette Angleterre encore sûre de son destin, l'écriture romanesque repère les failles sismiques d'un monde qui tremble sur ses fondations. Et happe encore le lecteur d'aujourd'hui dans ses deux gros romans édités dans ce volume de la bibliothèque de la Pléiade. Comment en effet ne pas être saisi par l'histoire tragique de ce couple frère-soeur uni-désuni dans la vie comme dans la mort que raconte Un Moulin sur la Floss ? Le poids du passé n'en finit pas de briser les grandes espérances de la jeunesse. Dans Middlemarch, le naufrage dans le mariage de deux êtres parés pourtant de toutes les promesses du bonheur n'en finit pas d'interroger le lecteur sur les intentions de l'auteure. Mais ce large panoramique qui entrecroise les destins à la manière des séries d'aujourd'hui écarte tout risque de lecture édifiante grâce une ironie mordante conjuguée à un sens de la formule et du récit, même si là encore le culte obligé au passé exige des sacrifices hors de prix.
En vérité qui avait lu George Eliot, pseudonyme de Mary Ann Evans née en 1819 en dehors des spécialistes de l'Angleterre victorienne ? Cette résurrection en France du moins doit beaucoup à l'ouvrage de Mona Ozouf, L'Autre George, qui vient d'être réédité en Folio. On ne saurait trop la remercier pour nous avoir permis de découvrir comment tout au long de son oeuvre George Eliot oscille « entre la fidélité, valeur éminemment conservatrice, et qui avait son cœur, et la justice valeur éminemment progressiste qui avait sa raison ». Faut-il y voir au-delà du portrait de George Eliot celui d'une grande historienne française qui nous livre-là une clé de son parcours intellectuel ?
George Eliot, Middlermarch précédé de Le moulin sur la Floss, éd. Gallimard. 1 680 pages, 63 euros.
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