De notre correspondante
à New York
L E glaucome, qui affecte 1 % de la population, est la principale cause de cécité chez les adultes. La majorité des patients affectés de glaucome chronique présente une tension accrue à l'intérieur de l'il en raison d'un drainage défectueux de l'humeur aqueuse. Cette augmentation de la tension intra-oculaire (TIO) endommage le nerf optique et provoque sa dégénérescence, avec souvent perte progressive de la vision.
Les thérapies du glaucome se sont concentrées, pendant de nombreuses années, sur la réduction de la tension intraoculaire. Mais la maladie peut continuer à progresser lorsque la TIO est corrigée, ce qui suggère que le traitement devrait aussi inclure une thérapie neuroprotectrice.
Il y a cinq ans, le Pr Michal Schwartz (de l'institut Weizmann, Israël) a proposé un nouveau concept pour expliquer la poursuite de la dégénérescence du nerf optique après la correction de la TIO. Des facteurs secondaires, déclenchés par la lésion initiale, provoquent une dégénérescence secondaire.
Le glutamate, libéré en excès par les neurones endommagés, est un de ces facteurs. Cet acide aminé fonctionne normalement comme un neurotransmetteur. Toutefois, en cas de concentration excessive, il devient cytotoxique. C'est alors l'un des médiateurs les plus fréquents de la toxicité dans les troubles neurodégénératifs aigus et chroniques.
Des résultats récents de l'équipe du Pr Schwartz suggèrent que l'agression du glutamate, à l'instar des agressions mécaniques, provoque spontanément une auto-immunité bénéfique médiée par les cellules T, laquelle peut être renforcée. En effet, la toxicité du glutamate apparaît moins néfaste chez les rongeurs normaux que chez les rongeurs adultes dépourvus en cellules T matures. En renforçant la réponse des cellules T dirigée contre les antigènes associés à la myéline, les neurones peuvent être protégés de la dégénérescence secondaire.
Le renforcement de la réponse auto-immune
Mais comment renforcer cette réponse auto-immune en pratique ? Une immunisation par la myéline où des peptides dérivés de la myéline auraient probablement des effets dévastateurs comme l'induction d'une maladie auto-immune de type sclérose en plaques (SEP).
A la recherche d'un peptide myéline sans danger, l'équipe a observé qu'une neuroprotection du nerf optique endommagé du rat peut être obtenue par l'immunisation avec le copolymère 1 (Cop-1). Ce peptide synthétique Cop-1 a initialement été développé pour simuler l'activité de la protéine basique de la myéline (PBM) et induire une encéphalomyélite auto-immune chez les rongeurs. Mais il n'induit pas d'encéphalomyélite et supprime même l'encéphalomyélite auto-immune induite expérimentalement par diverses protéines (dont la PBM).
Le Cop-1 (Copaxone), évalué à l'institut Weizmann comme immunosuppresseur chez les patients atteints de SEP, est maintenant autorisé aux Etats-Unis pour le traitement de cette maladie auto-immune.
Dans l'étude présentée, Schori, Schwartz et coll. montrent que la vaccination par le Cop-1 avant ou au moment d'une injection rétinienne de glutamate protège significativement les cellules du ganglion rétinien et s'accompagne d'une survie d'un plus grand nombre de cellules. De même dans le modèle d'hypertension intra-oculaire chez le rat, qui simule le glaucome, l'immunisation par le Cop-1 réduit significativement la mort des cellules du ganglion rétinien sans affecter la TIO qui reste élevée (4 % seulement des neurones meurent avec la vaccination comparé à 28 % sans vaccination).
L'immunisation par le Cop-1 pourrait donc constituer une neuroprotection bénéfique pour les troubles neurodégénératifs aigus et chroniques (dans lesquels le glutamate joue un rôle prédominant), ainsi que pour le glaucome. Les chercheurs pensent que des études cliniques devraient bientôt commencer chez les patients atteints de glaucome.
« Proc Natl Acad Sci USA », du 6 mars 2001.
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