L ES aquaporines, on le sait, sont des protéines qui servent de canaux spécifiques pour l'eau ; elles constituent la base moléculaire de la perméabilité pour l'eau dans de nombreux tissus.
On ne connaît pour l'instant que de rares exemples de maladie liée à un défaut d'expression des aquaporines : c'est le cas de mutations de l'AQP2 au niveau des tubes collecteurs dans le diabète insipide néphrogénique ; on sait aussi que des mutations de l'AQP0 sont associées à la la cataracte. En revanche, un déficit en AQP1 semble physiologique chez l'homme.
Quant à l'AQP5, on sait déjà qu'elle est normalement exprimée dans la membrane apicale des cellules acineuses des glandes lacrymales et salivaires. Il était donc légitime de chercher à savoir si elle pose problème dans le syndrome de Gougerot-Sjögren. C'est ce qui a conduit Kazuo Tsubota et coll. à s'intéresser, par immunohistochimie, à la distribution de l'AQP5 dans les glandes lacrymales chez quatre catégories de sujets : trois contrôles, six ayant un syndrome de Gougerot-Sjögren, trois ayant un syndrome de Mikulicz et quatre ayant un syndrome sec non lié à un syndrome de Gougerot-Sjögren (syndrome sec non-Sjögren). Tous ces patients ont eu une biopsie d'une glande lacrymale.
Dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, la principale manifestation histologique est une infiltration lymphocytaire des glandes lacrymales ; il en est de même dans le syndrome de Mikulicz, mais pas dans le syndrome sec non-Sjögren.
Dans le syndrome de Mikulicz et le syndrome sec non-Sjögren, la sécrétion lacrymale basale est faible (respectivement 6 mm et 4 mm), mais il persiste une réponse à la stimulation (39 mm et 33 mm). A l'opposé, dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, il y a baisse à la fois de la sécrétion basale (3 mm) et de la sécrétion après stimulation (4 mm).
L'AQP5 bloquée dans le cytoplasme
L'examen immunohistochimique par anticorps anti-AQP5 humaine a montré, à la fois chez les sujets contrôles, dans le syndrome de Mikulicz et dans le syndrome sec-non Sjögren, que l'AQP5 est localisée dans la membrane apicale de cellules acineuses ; ce qui « colle » avec la distribution connue de l'AQP5. En revanche, dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, l'AQP5 apparaît disséminée dans le cytoplasme et quasi absente de la membrane apicale. Pourtant, l'expression d'AQP5, mesurée par méthode ELISA, apparaît sensiblement du même ordre de grandeur chez les sujets contrôles (55 µg/g de protéine), dans le syndrome sec non-Sjögren (69,5 µg/g) et dans le syndrome de Gougerot-Sjögren (88 µg/g). Le défaut semble donc porter sur le transfert de l'AQP5 mais pas sur sa synthèse.
Cetaines régions sont épargnées
Dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, l'infiltration lymphocytaire et la destruction glandulaire sont les éléments histologiques prédominants ; toutefois, on sait aussi que certaines régions sont épargnées, ce qui suggérait un autre mécanisme. Les anomalies de transfert de l'AQP5 constituent donc un nouveau mécanisme potentiel.
Toutefois, on ne sait pas pourquoi le transfert de l'AQP5 est altéré.
En tout cas, l'absence d'AQP5 dans la membrane apicale pourrait expliquer la non-réponse lacrymale à la stimulation.
Ce travail suggère que des stratégies thérapeutiques destinées à favoriser le transfert de l'AQP5 vers la membrane apicale pourraient être utiles dans la prise en charge de la sécheresse lacrymale dans le syndrome de Gougerot-Sjögren, concluent les auteurs.
« Lancet » du 3 mars 2001, pp. 688-689.
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