Courrier des lecteurs

Homéopathie : lettre ouverte à la Haute autorité de santé

Publié le 03/12/2018

Je sais votre temps précieux et votre tâche difficile, aussi, je vais tenter d’être le plus concis possible. J’exerce la médecine depuis bientôt 40 ans, ce qui représente environ 150 000 consultations, je suis actuellement en cumul activité retraite. Au cours de ma carrière, j’ai employé 90 à 95 % de remèdes homéopathiques et 5 à 10 % de remèdes allopathiques pour de la pathologie tout venant, puisque je ne choisis pas les patients qui me consultent. J’ai été médecin traitant pour les deux tiers de mes consultations. Mon coût de revient global estimé par la sécurité sociale est nettement inférieur à la moyenne des médecins.

L’utilisation de l’homéopathie ou de l’allopathie m’a toujours été dictée par chaque cas particulier de malade et il me paraît aussi idiot de vouloir comparer homéopathie et allopathie, que de comparer un tournevis et un marteau : ils n’ont pas le même usage et on ne s'en sert pas de la même façon.

Je n’ai pratiquement pas de cas d’insuffisance rénale, en dehors des patients qui en étaient déjà atteints lorsqu’ils sont venus me consulter, ceci étant lié à une faible consommation d’anti-inflammatoires antalgiques ou autres remèdes. Une grosse partie de mon activité a été la pathologie infectieuse pour des enfants à infections O.R.L. ou pulmonaires récidivantes ou pour des cystites répétitives chez des patientes. les deux cas générant des prises antibiotiques tous les mois ou quelques fois dans l’hiver. La pathologie allergique est aussi une composante importante de mon activité.

Les enfants répondent particulièrement bien aux traitements homéopathiques, même nouveau-nés, et souvent, ils ne rechutent plus après un ou deux traitements homéopathiques. L’économie générée est alors considérable. L’exercice de l’homéopathie est difficile, car nous devons toujours individualiser les traitements et de ce fait, toute démonstration d’efficacité est difficile, en dehors de faire l’effort de constater les faits.

Comme tout médecin, j’ai toujours essayé de voir si mon action était pertinente. Certains patients se disent satisfaits, et lorsque nous examinons leurs symptômes, nous voyons que rien n'a changé. D’autres se plaignent que le traitement n’était pas efficace, mais une analyse minutieuse montre que les symptômes pour lesquels ils avaient consulté vont mieux, mais qu’ils sont de mauvaise humeur ce jour-là pour un tas de raisons leur appartenant. Il est donc important de différencier l’action placebo de l’homéopathie, qui est probablement plus importante que celle d’autres remèdes, en raison du fait qu’il y a une adéquation entre le tableau exprimé par le patient et les symptômes décrits dans la matière médicale des remèdes.

L’action curative survient seulement après un traitement bien choisi, et pas toujours du premier coup. L’effet placebo est cependant de durée plus courte qu’une action curative réelle, et chaque médecin homéopathe a dans ses fiches des cas de patients avec des pathologies infectieuses ou autres qui n’auraient pu passer aussi vite et avec un rétablissement rapide de l’état général du patient. Ces guérisons obtenues sont les raisons de la persistance de la demande des patients pour l'homéopathie et de la continuation des médecins dans cet exercice difficile, même si cette action défie nos connaissances actuelles. L’infiniment petit et l’infiniment grand défient notre entendement et la solution viendra probablement de la physique quantique.

Une difficulté supplémentaire à la reproductibilité de l’action d’un remède homéopathique est liée au fait que le remède agit au moment où il y a déséquilibre de santé, mais sera souvent sans action sur un terrain en équilibre. La meilleure preuve de l’action de similitude se trouve dans les cas d’idiosyncrasie ou lorsque nous constatons des réactions importantes à une substance, calcium, phosphore, ergot de seigle ou autre, nous constatons, si l’on fait l’anamnèse du patient, une correspondance entre ses symptômes de base et ce que nous connaissons de la matière médicale et de la substance concernée.

L’action de l’homéopathie est parfois spectaculaire et parfois nulle car nous ne trouvons pas de correspondance avec les quelques centaines de remèdes répertoriés, soit que nous les connaissions mal, soit que le patient décrit mal ses symptômes, soit que son remède se retrouve parmi les milliers de souches inexplorées. Le traitement sera alors probablement placebo, mais même dans ces cas, en laissant la nature faire son travail, l'immunité en sort renforcée. J’ai malgré tout le sentiment d’avoir peu intoxiqué les patients et peu polluer les rivières à l’heure de l’angoisse écologique.

Pourquoi lutter contre le déremboursement, puisque nos remèdes n’ont pas toujours l’efficacité que l’on espère ? J’ai eu dans ma carrière beaucoup de cas où les patients venaient pour un traitement homéopathique et où l’examen révélait un cancer ou autre pathologie justifiant une autre orientation. Les jeunes médecins se disent intéressés mais peu se forment à l'homéopathie et le fait d’un déremboursement ne fera qu’accentuer cette tendance. Les patients iront vers des non médecins avec le risque de non-diagnostic que cela représente. J’avoue ne pas comprendre le mépris et l’arrogance de certains confrères au sujet d'une discipline qu'ils n’ont ni apprise, ni pratiquée.

Si vous vous questionner sur l'homéopathie, vous pouvez lire dans la matière médicale du Docteur Voisin, qui est une matière médicale par tableau clinique, des descriptions qui vous rappelleront des cas deux patients ou parmi vos proches et si vous osez la prescription de quelques granules correspondants, vous verrez que le résultat peut être surprenant.

Étant en fin de carrière, je n’ai pas d’intérêts personnels à livrer toutes ses réflexions, et je souhaite qu’elles puissent contribuer à notre démarche

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Dr Jean-Paul Ray Chamalières (63)

Source : Le Quotidien du médecin: 9707