Courrier des lecteurs

Homéopathie : pour dépassionner le débat...

Publié le 17/12/2018

Quelques humbles remarques pour tenter de dépassionner le débat entre les contempteurs et les thuriféraires de l’homéopathie. Le physicien et épistémologue américain Alan Sokal, démontre dans Pseudosciences et Postmodernisme que chaque pierre supplémentaire apportée à l’édifice atomique (1) en retire une à celui de l’homéopathie. Est-ce pour autant que l’homéopathie n’a aucun pouvoir thérapeutique ?

Une chose est certaine ; le déremboursement affaiblira considérablement son pouvoir thérapeutique quelles que fussent sa réalité et son intensité. Certes, elle peut être dangereuse dans la mesure où elle retarderait la mise à jour d’une pathologie grave, mais cet effet délétère semble largement compensé par le bénéfice apporté par son absence d’effets iatrogènes qui conduisent aux urgences ou à la morgue un nombre toujours croissant de nos contemporains.

Le scientifique… et le médecin qui prescrit

Le pouvoir thérapeutique d’une quelconque substance ne repose pas exclusivement sur les preuves scientifiques accumulées en sa faveur, mais avant tout sur l’intime conviction que le prescripteur a en son activité ; l’effet placebo est là pour le rappeler dans cet adage « on se prescrit d’abord soit même ».

Il faut voir dans la « croyance » (2) en l’homéopathie, l’image inversée (ni plus, ni moins) de celle qu’a l’allopathe en l’efficacité de ses prescriptions (contraria contraribus curantur est équivalent intellectuellement à similia similibus curantur). En ce sens, la religion constitue la thérapeutique la plus prescrite au monde, voire une panacée, non remboursée par la sécurité sociale (Croiratus laisserpassus pour mondmeliorus) (3).

Le scientifique qui est en moi, à l’aune de ses modestes connaissances, ne croit pas à l’action de l’homéopathie mais le médecin qui prescrit parfois des 9CH, sait leur efficacité. L’homme de sciences devrait savoir et l’homme de l’art médical (4) croire, et l’attribution inversée de ces deux verbes à leurs sujets respectifs reflète toute la problématique (5).

Si la totalité de nos décisions thérapeutiques reposait exclusivement sur des données scientifiques, la sagesse d’un médecin résiderait en ce qu’il s’abstienne de prescrire, étant entendu qu’il sait la science en devenir, mouvante, soumise à des modes, à des lobbies et par concept toujours en expansion… Il adopterait la position du Sage qui, dans le vocabulaire grec ; « épochè » Il suspendrait son assentiment !

Or il nous faut tenter de guérir, de soigner, de s’engager dans des voies souvent contradictoires pour y parvenir… Et dans ce parcours, il ne faut récuser aucune flèche dans le carquois de nos savoirs, convictions, croyances, expériences (6), réussites et échecs, et foi en notre vocation.

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(1) Qui permet entre autres, d’envoyer des hommes sur la lune et de communiquer par internet.
(2) Croyance comme: intime conviction d’une vérité (d’autant plus intense qu’elle est inversement proportionnelle aux éléments objectifs plaidant en sa faveur).
(3) L’opium du peuple…Le mystique qu’était Paul Claudel, après avoir reçu la Foi derrière le deuxième pilier de Notre-Dame de Paris le 25 décembre 1886, est probablement sorti de la cathédrale, couvert de sueurs en myosis et dépression respiratoire sévère… En overdose de foi !
(4) Claude Bernard dans Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, récuse que nous soyons des artistes, sur l’argument « …car on ne saurait juger le mérite d’un médecin par le nombre des malades qu’il dit avoir guéris (comme un artiste peut revendiquer le nombre de ses œuvres) ; il devra avant tout prouver scientifiquement que c’est lui qui les a guéris et non la nature. Ed Flammarion p 348.
(5) « Il faut avoir une foi robuste et ne pas croire ». Claude Bernard, dans le même ouvrage. p 293.
(6) « L’expérience corrige l’homme chaque jour » Goethe.

Dr Thierry Deregnaucourt, Médecin généraliste, Sailly-en-Ostrevent (62)

Source : Le Quotidien du médecin: 9711