De notre envoyée spéciale
S I les professionnels de santé ont commencé à s'approprier la procédure d'accréditation des hôpitaux (« le Quotidien » du 6 février), ce n'est pas du tout le cas des usagers. Organisant à Nancy sa première rencontre avec le grand public, l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé) a pu s'en rendre compte.
Curieux de voir et d'entendre ceux que l'Etat a chargés de décerner un « label qualité » aux 3 500 établissements de soins de l'Hexagone, les usagers se sont déplacés en nombre - ils étaient près de 200, qui débordaient des sièges réservés pour eux par l'agence. Preuve de ce que le sénateur (UC) de Meurthe-et-Moselle, Claude Huriet, présent à cette réunion, décrit comme la « gourmandise de l'opinion qui veut être mieux informée sur sa santé », cette affluence n'était pas synonyme de « connaissance ».
De l'accréditation, les usagers ne savent pas grand-chose, et même une fois la procédure expliquée par son maître d'uvre, il semble bien qu'elle ne corresponde pas aux préoccupations immédiates de l'opinion.
L'ANAES a pourtant fait de gros efforts de présentation. Voilà ce que vous allez trouver dans nos comptes rendus, a expliqué sa directrice de l'accréditation, Chantal Lachenaye-Llanas, en citant des exemples. Dans tel établissement, « les prescriptions médicales ne sont pas toutes signées ». Dans tel autre, on facilite « l'accès des handicapés aux infrastructures ». Ici, « le courrier de sortie destiné au médecin traitant souffre d'un délai d'expédition variable qui devrait être revu ». Là, « les horaires d'ouverture des locaux mortuaires sont à revoir afin de permettre la permanence du transfert des personnes décédées ».
Le public a pris note, puis il a demandé aux professionnels de l'ANAES pourquoi le service des urgences d'Epinal était menacé, pourquoi la clinique de Commercy devait fermer ses portes à la fin du mois, pourquoi il n'y avait pas d'interprète dans les hôpitaux pour les sourds-muets, pourquoi on n'obligeait pas les hôpitaux à informer tous les patients sur les risques d'infections nosocomiales... Autant de questions qui ne relèvent pas de la compétence de l'agence. Autant de questions qui révèlent le décalage entre les aspirations des patients et ce que peut leur donner l'ANAES.
Le grand public ? Faciles d'accès et de lecture, les « palmarès » de « Sciences et Avenir » ou du « Figaro Magazine » lui suffisent et lui conviennent sans doute mieux que les comptes rendus d'accréditation touffus qui n'établissent pas de classement des hôpitaux. Les associations de défense des usagers, qui représentaient l'essentiel de l'audience de l'ANAES à Nancy ? Elles mènent des combats très ciblés ( « Prenez-vous en compte pour accréditer les hôpitaux, la formation des personnels à l'accueil des handicapés ? », demande la déléguée de l'Association des paralysés de France), et elles ne voient pas toujours de bénéfice immédiat à tirer de la procédure.
Quelles conséquences financières ?
Sauf en termes de financement. Le public met immédiatement le doigt là où ça fait mal. Le représentant des usagers au CHU de Nancy s'interroge : « Une fois que l'ANAES aura décrété qu'il y a des améliorations à réaliser dans un hôpital, qui va les financer ? A quoi cela servira-t-il si les moyens ne suivent pas ? » Pour le Pr Bernard Guiraud-Chaumeil, président du conseil d'administration de l'ANAES, l'accréditation paiera. Au moins pour partie. Et en dégageant des moyens, puisque « la non-qualité absorbe aujourd'hui 20 à 25 % de l'activité des hôpitaux ». Etienne Caniard, auteur du rapport sur « La place des usagers dans le système de santé » et membre du conseil d'administration de l'ANAES, s'avance un peu plus, en jugeant qu'il faudra bien « faire le lien entre l'accréditation et la planification sanitaire, entre l'accréditation et l'allocation de moyens ».
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