E N signant deux protocoles d'accord en mars dernier avec les personnels et les médecins hospitaliers, Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a peut-être ouvert la boîte de Pandore. Inscrites dans les textes paraphés il y a dix mois, cinq dispositions agitent actuellement la communauté hospitalière.
Les 35 heures des personnels
Le gouvernement et les syndicats ont onze mois pour arrêter les conditions du passage aux 35 heures, le 1er janvier 2002, des 725 000 agents de la fonction publique hospitalière. Théoriquement, un cadre national doit être fixé avant l'été, après quoi, les négociations auront lieu dans chacun des 3 500 établissements concernés.
La négociation nationale a été lancée le 17 janvier ; une première séance de discussion s'est tenue mercredi dernier, au cours de laquelle les syndicats ont critiqué la procédure choisie par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité (abrogation au printemps de l'ordonnance qui réglemente le travail des personnels hospitaliers en 39 heures, puis définition par décrets de leurs nouvelles conditions de travail). Ils ont jugé qu'elle ne leur offrait pas suffisamment de garanties. Après avoir exprimé leurs inquiétudes aux pouvoirs publics, les syndicats ont obtenu de recevoir des projets de décrets dans les dix jours à venir. Leur prochain rendez-vous à la direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des soins (DHOS) est fixé au 2 mars.
Les moyens que le gouvernement entend dégager, et particulièrement le nombre d'emplois qu'il créera pour l'occasion, sont la grande inconnue de la négociation. Les personnels, qui sont arrivés dans le débat avec des exigences chiffrées (la CGT et FO demandent 10 % de création d'emplois, la CFDT veut 8 %, soit déjà 11 milliards de francs), pressent d'ailleurs le gouvernement de préciser ses intentions. Alors que la pénurie en personnels qualifiés commence à se faire sentir dans les hôpitaux, alors que l'Etat annonce que, compte tenu du vieillissement des effectifs, 30 % des postes hospitaliers devront être renouvelés d'ici à 2020, la question de l'accompagnement des 35 heures sera bien au cur de la négociation. Flairant le danger, les pouvoirs publics n'avaient d'ailleurs pas prévu de l'aborder avant le printemps.
Les 35 heures des PH
Les négociations s'ouvrent jeudi. Elles devront être closes à la fin de l'année : comme pour les personnels, les quelque 20 000 praticiens hospitaliers (PH) passeront aux 35 heures le 1er janvier 2002. A priori, l'exercice s'annonce plus simple pour eux que pour les agents. Les syndicats ne défendent pas un passage des PH aux 35 heures hebdomadaires, mais plutôt une capitalisation ou une compensation du temps gagné. Plusieurs choses peuvent toutefois brouiller les débats : la tentation du ministère de profiter de l'occasion pour ne plus compter le temps de travail des PH en demi-journées, mais en heures ; la prise en compte ou non par les pouvoirs publics des récentes décisions de la Cour européenne de justice qui considèrent les gardes des médecins hospitaliers comme du temps de travail.
Les filières :
Les 80 métiers de la fonction publique hospitalière sont classés en quatre filières : administrative, ouvrière, technique et paramédicale. C'est dans ce cadre que se négocie depuis l'automne au ministère l'évolution des carrières des agents hospitaliers. Le chantier est énorme et inédit (c'est la première fois qu'un gouvernement décide de réviser l'ensemble des carrières). Son ouverture a soulevé beaucoup d'espoir, notamment chez les infirmières spécialisées (voir plus bas) et chez les cadres. Le moins que l'on puisse dire est que, pour l'instant, les négociations déçoivent - c'est cette question des filières qui a fait défiler, mardi dernier, dans les rues de France, plus de 10 000 hospitaliers.
Les propositions des pouvoirs publics n'ont reçu l'assentiment des syndicats que pour une seule filière : l'administrative. La création d'un nouveau statut d'attaché, la possibilité donnée aux agents d'accéder au poste d'adjoint et les hausses prévues de certains émoluments sont jugées satisfaisantes (« le Quotidien » du 9 février). Les filières ouvrière, technique et paramédicale sont, elles, au point mort. Une nouvelle réunion est programmée le 22 février, mais on voit mal comment pourra se combler le fossé entre des organisations qui mettent l'accent sur les revalorisations salariales et une tutelle qui préfère jouer, à la marge, sur les déroulements de carrières. Théoriquement, cette partie statutaire des négociations doit s'arrêter à la fin du mois de mars pour passer au « qualitatif » (validation des acquis professionnels, fonctionnement des concours, formations, etc.).
Les infirmières spécialisées
Bernard Kouchner leur a fait un signe fort en les inscrivant parmi ses premiers rendez-vous de nouveau ministre délégué à la Santé. Aux infirmières-anesthésistes (IADE) et aux infirmières de bloc opératoire (IBODE), en grève depuis le 9 janvier, le ministre n'a rien promis, mais les syndicats ont noté chez lui « une vraie volonté de discussion » et « une volonté de changement ».
IADE et IBODE se battent pour obtenir des revalorisations salariales ; elles estiment que leurs rémunérations actuelles ne sont pas à la hauteur de leurs compétences. Elles demandent aussi des facilités de spécialisation pour les infirmières diplômées d'Etat (IDE) non spécialisées qui travaillent dans les blocs opératoires (elles formeraient 60 % du contingent, à côté des 8 500 IADE et 4 000 IBODE). Les infirmières de bloc seules veulent obtenir une « exclusivité de fonction », c'est-à-dire l'assurance que leurs tâches sont bien leur domaine réservé.
Pour l'instant, les propositions du gouvernement - essentiellement une revalorisation de 14 points sur l'ensemble de la carrière des IADE , soit 560 F de plus par mois en fin de carrière - sont unanimement rejetées par les syndicats qui considèrent qu'on leur fait « l'aumône ». Une prochaine rencontre avec Bernard Kouchner est prévue jeudi.
Les chantiers des PH
Très inquiets de l'évolution de la démographie médicale hospitalière, les syndicats de PH ont alerté les pouvoirs publics sur ce dossier. La Coordination médicale hospitalière (CMH), qui estime qu'il manque 8 000 praticiens hospitaliers, l'a fait par la manière forte en organisant une semaine d'action, du 5 au 9 février. Ils ont obtenu des pouvoirs publics la création d'un groupe de médecins piloté par le Pr Guy Nicolas qui devra faire des propositions au ministère dans deux mois. Dans des domaines plus pointus, et alors que des groupes de travail devraient être installés dans les jours qui viennent, ils attendent le gouvernement au tournant sur les dossiers du réaménagement de l'offre de soins en psychiatrie, en chirurgie et aux urgences.
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