P UBLIE aux éditions de l'INSERM, l'ouvrage intitulé « Précarisation, risque et santé » réunit les travaux de recherche d'une quarantaine de sociologues, épidémiologistes, anthropologues, psychologues et médecins.
Leur objectif a été de rassembler des connaissances scientifiques éparses et de proposer des pistes d'action pour améliorer l'accès aux soins des personnes confrontées aux situations de précarité.
Les auteurs du livre, qui fait suite à un premier tome sur « Les inégalités sociales de santé » (« le Quotidien » du 13 septembre 2000), ne se sont pas intéressés uniquement à des situations de précarité bien établies mais ont étudié également les processus qui conduisent les personnes fragilisées à devenir vulnérables à la maladie. C'est pourquoi ils ont préféré le terme dynamique de précarisation plutôt que celui de précarité. Les études figurant dans l'ouvrage ont, pour la plupart, été réalisées pendant la crise économique qui a frappé la France dans les années quatre-vingt-dix et interviennent donc avant la mise en place de dispositifs destinés à faciliter le recours aux soins des personnes les plus démunies comme la couverture maladie universelle.
Trois médecins sur quatre
Une enquête menée par l'observatoire régional de la santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur auprès de 434 médecins généralistes régionaux a été réalisée en 1996. D'après ses résultats, les médecins sont nombreux à recevoir en consultation des patients défavorisés : 73 % des médecins ont déclaré rencontrer parfois ou souvent, dans leur pratique quotidienne, des patients avec des revenus inférieurs ou équivalents au RMI. Ils sont 65 % à signaler, parmi leurs patients avec des revenus réguliers, des demandes de délai de paiement. Le suivi de patients défavorisés implique, pour les médecins, d'adapter leur pratique en dehors du strict contexte curatif. Nombreux sont ceux qui reconnaissent avoir aidé leurs patients dans leurs démarches à caractère social : 71 % ont déclaré avoir déjà rédigé une lettre pour appuyer une démarche sociale et 53 % disent avoir rédigé un certificat pour l'obtention d'un logement social. Selon l'enquête, « l'attitude des médecins face à des patients ayant des revenus inférieurs ou égaux au revenu minimum d'insertion (RMI), si elle se veut égalitaire, se singularise néanmoins dans la mesure où la plupart des médecins (79,4 %) reconnaissent moins prescrire, prescrire des médicaments moins chers ou distribuer plus souvent des échantillons qu'aux autres patients ».
Besoin d'information
Dans leur pratique de prise en charge des populations défavorisées, 69,6 % des médecins se sont plaints d'un manque d'informations ou de connaissances sur les structures et dispositifs d'aide sociale. Une grande majorité (73,4 %) signale par ailleurs des lourdeurs administratives dans la prise en charge de tels patients. Ce besoin d'information et de formation, précise l'enquête, est « corroboré par les faibles résultats aux questions de connaissance ». Plus de 35 % des médecins ne savent pas qu'obtenir le RMI donne droit à une couverture sociale complète avec exonération du ticket modérateur.
Le renforcement des liens avec le secteur social se retrouve le plus souvent parmi les propositions des médecins pour améliorer la prise en charge des personnes défavorisées. L'idée de développer le travail en réseau entre médecins généralistes, médecins institutionnels et travailleurs sociaux dans une même zone d'exercice retient l'intérêt de 73,5 % des généralistes. D'autres propositions sont encore plus largement plébiscitées : la diffusion d'un annuaire des structures médico-sociales (91,5 %), les actions d'éducation sanitaire et de prévention (90 %), l'ouverture de lieux de soins gratuits pour personnes sans domicile fixe (81,8 %) et la formation médicale initiale et continue dans le domaine social (80 %).
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