Les sénateurs ont adopté le projet de loi de santé en commission des Affaires sociales. Le texte a été modifié par 132 amendements, dont 104 proviennent du rapporteur Alain Milon (LR, Vaucluse). Le Sénat entamera l'examen en séance publique le 3 juin. Voici ce qu'il faut retenir du passage en commission.
En ville : remplacement limité à trois ans
Le Sénat a limité à trois ans la durée totale des remplacements de praticiens installés et salariés, provoquant la foudre immédiate de trois syndicats de jeunes médecins, qui y voient une obligation d'installation différée.
En parallèle, les élus veulent inciter les jeunes à s'installer plus rapidement en les exonérant de cotisations sociales sur les revenus d'activité, sous conditions : installation dans les trois ans après leur diplôme, et activité libérale pendant au moins cinq ans en continu. Un médecin installé dès la première année suivant l'obtention de son diplôme bénéficiera d'une exonération plus avantageuse que celui qui posera sa plaque en troisième année.
Alain Milon a supprimé une disposition polémique ajoutée par des députés LR et de la majorité qui autorisait les patients sans médecin traitant à s'en remettre à leur caisse primaire pour leur en proposer un autre de « disponible ».
À l'hôpital : consultations avancées et intérim médical encadrés
Concernant les missions et la gouvernance des hôpitaux de proximité, le rapporteur a tenu à rassurer la médecine de ville en indiquant que les consultations spécialisées « devront être obligatoirement proposées au sein des hôpitaux de proximité » et non en dehors, comme à Maubeuge. Afin de ne pas marcher sur les plates-bandes des libéraux, elles devront par ailleurs « être appréciées en complémentarité avec l'offre libérale disponible au niveau du territoire ».
Dans le cadre de la concertation sur le statut unique de praticien hospitalier (PH), les sénateurs réclament des mesures pour un « meilleur encadrement » des écarts de rémunération entre les personnels titulaires et contractuels afin de lutter contre l'intérim médical.
Toujours pour renforcer l'attractivité de l'hôpital, les sénateurs interdisent aux PH démissionnaires d'aller travailler chez la concurrence (clinique, cabinet libéral, laboratoire de biologie privé, officine dans un périmètre de 10 km) pendant les deux ans suivant leur départ.
La mutualisation de la gestion des ressources humaines médicales au niveau des groupements hospitaliers de territoire devient optionnelle. La création d'une CME de groupe nécessite l'accord des CME de tous les hôpitaux du GHT.
Délégations de tâches : l'infirmier de famille, le retour
Après une tentative dans le dernier budget de la Sécu, les sénateurs socialistes proposent une nouvelle fois la création de l'« infirmier de famille », professionnel qui peut être désigné « référent au sein d’une équipe de soins par le patient en perte d’autonomie ou en affection de longue durée, afin d’assurer la coordination clinique de proximité en lien étroit avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant ».
Les élus permettent aux infirmiers de maisons et centres de santé la faculté d'adaptation de certains traitements (dans le cadre d'un exercice coordonné et protocolisé). Mais ils sécurisent cette délégation de tâches en réclamant que l'arrêté qui liste les traitements concernés précise aussi les pathologies associées, « un même traitement pouvant s’appliquer à différentes situations cliniques ».
Le rapporteur a en revanche supprimé l'article qui étendait les compétences des orthoptistes (prescription d'un dispositif médical, adaptation dans le cadre d’un renouvellement des prescriptions médicales initiales des verres correcteurs et des lentilles de contact oculaire).
E-santé : la e-prescription limitée, le DMP stimulé
A l'initiative de sénateurs socialistes, la commission a exclu les arrêts de travail de la généralisation de la prescription électronique pour deux raisons : non seulement cette prescription dématérialisée est « plus complexe et chronophage » à réaliser pour les médecins qu'une ordonnance classique, mais elle « n’apporte pas de réel bénéfice pour le patient, l’avis d’arrêt de travail devant être imprimé et remis en mains propres à ce dernier ».
La création du DMP et de l'espace numérique de santé deviennent obligatoire « tout en ménageant la possibilité pour la personne concernée d'exercer son droit d'opposition ».
Gouvernance territoriale : les URPS dans la boucle, l'hôpital taclé
L'élaboration des projets territoriaux de santé est initiée par les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) « avec le concours » des unions régionales des professionnels de santé (URPS), ont précisé les sénateurs.
Les hôpitaux de proximité, eux, « partagent une responsabilité territoriale pour assurer la permanence des soins et la continuité des prises en charge », au même titre que les libéraux. « Cela conforte l'idée selon laquelle ces établissements seraient des "hôpitaux de la médecine de ville", à l'avant-poste de l'indispensable renforcement de la liaison ville-hôpital », précise Alain Milon.
Les sénateurs ont également supprimé la révision de la définition des zones médicales sur-denses et sous-denses tous les deux ans, au principe que le zonage est déjà révisé « au moins tous les trois ans ».
Le rôle des PADHUE renforcé
Les praticiens à diplôme hors Union Européenne (PADHUE) « en parcours de consolidation des compétences » obtiennent le droit de prescrire des certificats de décès.
Leur régularisation est possible s'ils ont rempli leur condition d'exercice dans un établissement médico-social et non pas uniquement dans un hôpital ou un ESPIC.
Les parcours valorisés dans la recertification
Un amendement rédactionnel introduit la notion de valorisation des parcours professionnels dans la définition des objectifs de la procédure de recertification, conformément aux recommandations formulées par le Pr Serge Uzan.
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